[IX. Réflexions sur la légalité de l'exécution des complices de Catilina] |
Pour ne pas interrompre le récit de cette
mémorable journée, j'ai suspendu jusqu'à
présent les réflexions qui se
présentaient en foule. Tout est encore mystère
dans ce grand procès, le crime, l'accusation, la
défense. La procédure entière demeure
dans une obscurité que l'on pourrait croire
répandue à dessein, et les auteurs de
l'antiquité, latins ou grecs, nous refusent, comme de
concert, les explications qu'à chaque instant nous
aurions à leur demander. D'ordinaire la
variété contradictoire des témoignages
est pour la critique une cause d'embarras et de
difficultés, mais elle lui offre en même temps
les moyens de donner à ses travaux une base plus
ferme, je veux dire, moins incertaine : ici, l'accord des
historiens n'a qu'une apparence trompeuse, plutôt
propre à exciter la défiance, car cet accord
semble dû surtout à l'insuffisance des sources
originales. Il est malheureusement probable qu'une relation
officielle, et par conséquent suspecte, a fourni
presque seule les renseignements incomplets qui nous restent
aujourd'hui. Aussitôt que l'on veut
pénétrer au fond des choses, on en est
réduit aux conjectures ou bien à
l'interprétation des événements,
dernière et dangereuse ressource à laquelle il
faut avoir si souvent recours dans les études
historiques. Tâchons du moins de resserrer les limites
de nos hypothèses, et lorsque nous ne pourrons les
appuyer sur des faits, que ce soit du moins sur la
connaissance des caractères et des intét
êts politiques que nous venons d'étudier.
La première difficulté qui se présente,
c'est de connaître d'une manière précise
la compétence des juges et la position des
accusés. Le sénat avait-il le droit de
s'ériger en un tribunal suprême ? Les
accusés avaient-ils perdu la protection des lois
romaines ? Le consul abusa-t-il de son autorité ?
Enfin la défense fut-elle franche et sincère ?
Voilà les principales questions que nous devons
examiner.
Le salut de la patrie est la
loi suprême (1) ; tel est l'axiome
politique le plus ancien de la constitution romaine, et chez
tous les peuples, qu'il soit ou non écrit dans la loi
fondamentale, c'est le seul à suivre en un
péril pressant. A Rome, il appartenait au
sénat, dépositaire du pouvoir exécutif,
de parer aux calamités soudaines et imprévues,
par des mesures énergiques dont il était aussi
impossible de fixer la limite, qu'il le serait de
régler à l'avance les manoeuvres d'un
général envoyé pour repousser une
invasion ennemie.
Si la constitution romaine,
ou plutôt si d'anciens usages accordaient au
sénat le pouvoir de s'élever au-dessus des
lois, en proclamant la patrie en danger, il est
évident qu'un privilège si extraordinaire ne
devait être assumé que dans des circonstances
tout à fait exceptionnelles. Les deux seuls
précédents sur lesquels pouvaient se fonder les
juges de Lentulus, étaient les
sénatus-consultes rendus, le premier, à
l'occasion de l'émeute suscitée par Fulvius et
C. Gracchus (2), le
second, lors de l'insurrection de Saturninus (3). Dans ces deux
occasions, les factieux s'étaient emparés de
vive force d'une partie de la ville ; on ne pouvait juger des
hommes en armes ; il fallait les combattre. Pour le peuple,
ce n'était pas le temps de délibérer
quand une troupe ennemie était dams ses murs. Alors
c'était au sénat à diriger les efforts
des défenseurs de la patrie ; ou plutôt, comme
le temps était précieux et qu'il fallait que
les mesures pour le salut commun fussent
exécutées aussitôt que résolues,
le sénat conférait à ses consuls les
pouvoirs des généraux d'armée, le droit
de vie et de mort contre l'ennemi de la république. En
un mot, la guerre était déclarée, et en
guerre tuer, est chose légitime.
Mais aux nones de
décembre, rien de semblable. Cinq hommes sont
accusés ; on les arrête ; ils ne font aucune
résistance ; leurs complices se cachent, ou s'ils
parlent de révolte, la présence de soldats
nombreux et fidèles suffit pour les maintenir dans le
devoir. Et c'est dans de telles circonstances que l'on
suspend le cours des lois, en invoquant un décret
rendu depuis plus de quarante jours (4). Ce
sénatus-consulte, ce glaive dans le fourreau, comme
l'appelle Cicéron, qu'il garde inutile pendant si
longtemps, il le tire enfin, lorsque Catilina est
enfermé entre deux armées formidables, lorsque
Rome est remplie de troupes, lorsque le chef du parti
démocratique vient de proclamer lui-même son
horreur pour les rebelles, et demande contre eux un
châtiment exemplaire. Et cependant, remarquons-le bien, ce pouvoir
discrétionnaire que s'arroge le sénat, en vertu
de son propre décret, ce pouvoir qui, à nos
yeux, semble s'être déjà prescrit, tous
les partis le reconnaissent, du moins dans de certaines
limites. Qui le croirait ? César, toujours prêt
à contester au sénat tous ses
privilèges, ne s'élève pas contre la
transformation de la curie en un tribunal exceptionnel. Le
respect singulier et presque superstitieux des Romains pour
toute décision revêtue de formes
consacrées, explique à peine son silence en
cette occasion (5).
Un sénatus-consulte déclarant la patrie en
danger avait été proclamé sans que les
tribuns du peuple y eussent mis opposition : dès lors
ce sénatus-consulte était devenu pour
César une loi, ou, qui plus est, un fait accompli sur
lequel il n'y avait plus à revenir. Je rechercherai
tout à l'heure si, pour l'avenir, il ne trouvait
même pas des avantages à cette espèce de
concession apparente. Quoi qu'il en soit, désormais il
ne s'occupe plus que de détourner les
conséquences d'un décret contre lequel il juge
sa protestation inutile. C'est ainsi que, peu de mois
auparavant, au lieu de demander l'abrogation formelle de la
loi ou de l'usage qui donnait au sénat le pouvoir de
mettre un citoyen hors la loi, il se bornait à faire
un exemple terrible sur un homme convaincu d'avoir pris les
armes pour obéir à un sénatus-consulte.
Dans leurs lois, comme dans leur politique, les Romains
négligeaient toujours les théories et les
principes généraux ; c'était sur une
suite de faits particuliers qu'ils fondaient un
système.
Au reste, César, s'il ne niait point au sénat
le droit de pourvoir à la défense de la patrie
par des mesures exceptionnelles, se réservait
maintenant de lui contester l'opportunité de ces
mesures, et le procès des conjurés
n'était à ses yeux qu'une instruction
préparatoire, une espèce d'enquête,
laquelle n'avait pas plus de valeur que n'en avait eu la
condamnation de Rabirius par le tribunal des duumvirs. L'une
et l'autre décision n'avait de force que
ratifiée par le peuple, c'est du moins ce qu'il
prétendait, lorsqu'il invoquait l'intercession des
tribuns.
En résumé,
j'estime que le pouvoir discrétionnaire du
sénat, dans un grand danger public, était
incontestable ; mais l'usage de ce pouvoir devait être
commandé par la gravité des circonstances ; il
fallait qu'il devînt une nécessité pour
n'être pas un attentat contre la liberté
nationale (6). Or,
déterminer d'avance les cas où la grandeur du
péril devait interrompre le cours des lois,
c'était, on le sent, chose impossible ;
apprécier les circonstances, constater la
nécessité, tel était le devoir des
magistrats supérieurs, et sur eux, le péril
passé, incombait toute la responsabilité de
leurs actes. Les faits confirment la théorie que je
viens d'établir. Lorsque C. Gracchus se fut
emparé du mont Aventin, Opimius, armé d'un
sénatus-consulte, agit seul comme
général et comme juge. Marius en fit de
même à l'égard de Saturninus et de
Glaucia retranchés dans le Capitole. Mais
Cicéron ne voulut point accepter seul une
responsabilité redoutable. Il ne fit point tuer
Lentulus par ses soldats, il le fit juger par le
sénat, et du moment qu'il le faisait juger, ne
reconnaissait-il pas tacitement lui-même que le danger
de la république n'était pas assez grand pour
suspendre les lois ?
Quant au crime des
accusés, à ne considérer que les faits
rouvés contre eux, c'est-à-dire leur
correspondance secrète avec les Allobroges et avec
Catilina, on pourrait croire qu'ils furent poursuivis aux
termes de la loi Cornélia, qui qualifie ces faits de
lèse-majesté de la république (7). Mais cette accusation
était si fréquente , et pour ainsi dire si
banale , que la disproportion eût été
trop manifeste entre le crime imputé et le tribunal
extraordinaire chargé d'en connaître. On peut
encore objecter que l'accusation de
lèse-majesté n'entraînait point
d'ordinaire une arrestation préalable , et pour que
les conjurés fussent remis à la garde de
quelques sénateurs immédiatement après
leur interrogatoire , il fallait qu'aux yeux de
l'assemblée ils fussent placés dès lors
dans la position de grands criminels. La formule de
perduellion venait d'être renouvelée par le
procès récent de Rabbins, et si l'on peut
s'exprimer ainsi, on l'avait exhumée du
dépôt ténébreux des lois royales
(8). On a vu que le
coupable, comme l'indique le mot même de
perduellis, était assimilé à un
ennemi. Evidemment le consul regarde les accusés comme
perduelles quand, répondant à
César, il affirme qu'ils ne peuvent invoquer le
bénéfice de la loi Sempronia. «Cette loi,
ajoute-t-il, est faite pour les citoyens, et les hommes que
nous jugeons ne sont pas des citoyens (9). Vous-mêmes,
sénateurs, vous les avez jugés ennemis publics
lorsque avant-hier vous décrétiez leur
arrestation (10)». - «Vous
délibérez, s'écrie Caton, à son
tour. Vous vous demandez ce qu'il faut faire d'ennemis
surpris dans vos murs (11) !» César
lui-même ne reconnaît-il pas Lentulus et ses
complices comme perduelles, lorsqu'il propose à
Silanus le dilemme suivant : «La peine que tu demandes
contre ces hommes est, dis-tu, commandée par la loi ;
applique donc la loi tout entière, condamne-les aux
verges. Si tu crois la peine des verges abolie par la loi
Porcia, confesse que le supplice, dont la flagellation n'est
qu'un accessoire, est également aboli (12)». Enfin, en
lisant la sentence proposée par César contre
les conspirateurs, le doute doit cesser ; car, après
avoir adjuré le sénat de ne pas introduire un
exemple nouveau, c'est-à-dire de ne pas appliquer une
peine inusitée et en dehors des lois, il se
contredirait manifestement, s'il proposait contre des
citoyens la peine de la détention perpétuelle.
Cette peine, en effet , était encore moins
usitée que le supplice de la mort. Je doute qu'elle
fût prononcée par aucune loi, et l'on a vu avec
quels ménagements la détention était
appliquée aux citoyens prévenus des plus grands
crimes. Au contraire, si les conjurés sont aux yeux de
César des ennemis publics, rien n'empêche de les
traiter comme à Rome on traitait les prisonniers de
guerre. Personne n'ignore que Persée, roi de
Macédoine, Oxyutha, fils de Jugurtha, et bien d'autres
chefs étrangers, furent détenus dans des
municipes et gardés plus ou moins étroitement,
selon la crainte qu'ils inspiraient (13).
Si l'on se rappelle le
procès récent de Rabirius, on comprendra
facilement la position singulière dans laquelle se
trouvaient César et Cicéron à
l'ouverture de ces nouveaux débats. Quelques mois
auparavant, Labiénus, ou plutôt César,
dont il n'était que l'instrument, avait fait
reparaître cette formule de perduellion depuis
longtemps tombée en désuétude.
C'était comme une arme rouillée qu'il
dérobait dans le vieil arsenal des patriciens, pour la
tourner contre eux. Cicéron, avocat de Rabirius, avait
énergiquement protesté contre cette forme
d'accusation. Il se vante d'en avoir fait justice, de l'avoir
fait rentrer dans le néant (14). Mais voici que les
rôles sont changés. Chacun est obligé de
prouver le contraire de ce qu'il soutenait peu de jours
auparavant. Cicéron invoque contre Lentulus les
rigueurs de cette loi royale dont il niait jusqu'à
l'existence ; César empruntera ses arguments à
l'avocat de Rabirius. Faut-il s'étonner si les deux
orateurs, placés dans une aussi fausse position l'un
que l'autre, évitent de concert de se prononcer sur le
caractère du crime, et surtout de rappeler la formule
qui doit régler les poursuites. N'osant affirmer que
Lentulus ne soit qu'un accusé ordinaire, César
se borne à condamner en termes généraux
l'application de la peine de mort à des crimes
politiques. De son côté, Cicéron ne dit
qu'un mot en passant de la procédure exceptionnelle
dont il prétend faire usage contre les
conspirateurs.
L'accusation de perduellion n'était pas seulement
embarrassante pour ceux qu'elle contraignait ainsi à
une palinodie publique ; mais les jurisconsultes les plus
habiles n'auraient pu facilement déterminer la
procédure à suivre dans cette occasion. Les
formes anciennes étaient oubliées, le
châtiment particulier au crime passait pour
virtuellement aboli par la loi Porcia; enfin le
précédent que venait d'introduire le
procès de Rabirius pouvait à peine être
invoqué, puisque la question n'avait point
été résolue, mais terminée par un
incident dont personne n'avait à se
prévaloir.
On sent toute la
difficulté d'établir le fait de perduellion, ou
plutôt de fixer le moment précis où
l'accusé doit être considéré comme
perduellis. D'un côté l'on soutient que
le citoyen accusé d'après cette formule, est
supposé à priori ennemi public, du moment
qu'elle est admise, et la détention préalable
semble la conséquence de cette manière de voir.
Etre prisonnier, c'est être hors de la loi romaine, car
c'est être placé dans une position où
l'on ne peut invoquer le bénéfice des lois qui
permettent aux citoyens romains de se soustraire à la
mort par un exil volontaire. - La défense
répond d'autre part : Au peuple seul appartient de
prononcer la dégradation civique, de retrancher un
membre du grand corps romain. Fût-il
déclaré coupable par ies duumvirs,
l'accusé de perduellion n'est pas encore exclus
définitivement de la communauté romaine ; il
sera citoyen tant que le peuple n'aura pas prononcé
(15), et comme
citoyen, il pourra se placer à l'abri des lois qui le
dérobent au supplice de mort (16).
Quelles que fussent les
opinions des jurisconsultes sur les effets de la formule de
perduellion, il était un point sur lequel ils
étaient unanimes, c'est qu'elle ne pouvait
détruire le droit d'appel ou la provocation. La
provocation était assurément une des plus
anciennes institutions de Rome, et si l'on admet la tradition
héroïque qui raconte le fratricide et le jugement
d'Horace, on trouvera déjà sous les rois
l'accusé en possession de ce moyen de défense
(17). D'un autre
côté, lorsqu'on voit dans l'histoire le droit de
provocation reproduit sans cesse sous des formes nouvelles
dans un grand nombre de lois, on est conduit à
reconnaître qu'il ne fut définitivement admis
dans la constitution romaine que vers le quatrième
siècle, et que longtemps après il fut encore
l'objet de débats animés (18).
La provocation est
fondée sur cet axiome, que le droit de punir un
citoyen appartient seulement à la plus haute puissance
dans l'Etat ; or, la constitution de Servius Tullius, qui
parait avoir servi de base au code politique des Romains,
fait résider la puissance suprême dans
l'assemblée du peuple (19). Cette
souveraineté du peuple ne pouvant s'exercer que dans
des assemblées générales plus ou moins
rares, il était nécessaire que le soin de faire
observer les lois fût remis à des magistrats
toujours prêts à agir ; néanmoins
à toutes les époques, le peuple, jaloux de ses
droits, se réserva d'intervenir dans l'action du
gouvernement, et il voulut que le citoyen pût en
appeler à sa souveraineté de tout jugement, de
tout acte du pouvoir exécutif qui le lésait
dans sa propriété, et surtout dans son
existence d'homme libre. Les lois des Douze Tables, c'est
Cicéron lui-même qui le déclare, ne
reconnaissent point de magistrat sans appel (20). Au quatrième
siècle de Rome, les consuls L. Valérius et M.
Horatius promulguaient une loi qui permettait de tuer
quiconque instituerait une magistrature sans appel (21). En outre, il
paraît que d'anciennes lois avaient prévu le cas
où le condamné ne ferait pas usage de son
privilège, et pour témoigner plus fortement du
respect dû au caractère de citoyen, elles
avaient attribué exclusivement au peuple
assemblé la confirmation de tout jugement capital
(22).
Ce droit de provocation,
qui élevait le citoyen romain au-dessus de tous les
autres hommes, qui rendait sa personne presque sacrée,
venait de recevoir une éclatante confirmation dans le
procès de Rabirius. Condamné par un tribunal
régulièrement institué, convaincu, du
moins en justice, d'un fait qualifié par les lois
d'attentat contre la république, déclaré
ennemi public, perduellis, par ses juges, Rabirius
avait obtenu que son procès fût revu devant les
comices. Un seul mot, «J'en appelle (23)», avait
suspendu le châtiment. Mais, aux nones de
décembre, chose inouïe, les accusés
n'eurent point connaissance de l'arrêt rendu contre
eux, peut-être même ignoraient-ils que le
sénat avait délibéré sur leur
sort, lorsqu'on les remit aux mains des bourreaux.
César, simple sénateur, ne pouvait, comme il
semble, réclamer en son nom l'appel au peuple, et les
tribuns dont le veto aurait pu, sans doute, remplacer la
dernière protestation des accusés, les tribuns
s'abstinrent, ou se joignirent à la majorité du
sénat pour confirmer la sentence. Reconnaissaient-ils
la toute-puissance dévolue au sénat par la
déclaration du danger de la patrie ? Pensaient-ils
qu'en de telles circonstances et par une exception unique, la
curie devînt un tribunal sans appel ? Mais, ainsi que
je l'ai fait remarquer plus haut, si l'autorité du
sénat était reconnue en principe, l'usage de
cette autorité, son opportunité, du moins,
était toujours sujette à contestation, et
l'intercession des tribuns ne cessait pas réellement
par l'effet d'un sénatus-consulte déclarant la
patrie en danger, mais bien par le fait même de la
guerre au milieu de Rome, qui rendait leur intercession
impossible à exercer. Certes, quand l'histoire nous
montre les tribuns du peuple arrêtant souvent par leur
veto les levées de troupes ordonnées par
sénatus-consulte contre un ennemi voisin de Rome, on
ne peut douter que ces magistrats n'eussent le pouvoir
d'intervenir au milieu d'un procès conduit avec calme
au milieu d'une ville soumise.
Parmi tous les témoignages historiques qui nous
restent sur cette mémorable cause, on cherche
vainement quelque trace d'un débat sur cette question
si importante de l'appel au peuple : l'étonnement
redouble à voir l'accusateur et le défenseur
l'éviter l'un et l'autre avec une affectation
étrange. Cependant on peut se rappeler que
Cicéron, quelques jours auparavant, alors sans doute
bien éloigné de prévoir les
événements qui se préparaient, avait
protesté dans la curie qu'il ne soumettrait point au
sénat le jugement de Catilina. J'agirais contre mes
principes, disait-il. Plus tard, rendant compte au peuple de
l'arrestation des conjurés, il déclarait qu'on
n'avait point encore rendu de sénatus-consulte
à leur sujet, et c'est avec une sorte de
timidité qu'il laissait entrevoir la
possibilité d'un décret semblable pour
justifier l'arrestation des coupables. Enfin, dans la
séance même des nones de décembre, il
annonçait en termes un peu obscurs, il est vrai,
l'intention de consulter le peuple sur le châtiment des
conjurés. Mais bientôt le
sénatus-consulte est entre ses mains ; aussitôt,
il lève la séance ; pour lui la sentence est
devenue sans appel, il se hâte de la faire
exécuter.
De la part de Cicéron, cette conduite, qu'on la nomme
habile ou tyrannique, s'explique facilement. Son but est de
compromettre le sénat, de lui surprendre un
décret, et pour l'obtenir d'une compagnie timide, il
se gardera bien de lui montrer la possibilité d'une
collision avec la souveraineté du peuple. Mais ce
qu'on a peine à comprendre, c'est que César ne
demande pas tout d'abord que le procès soit
porté devant les comices. Au contraire, il semble
reconnaître au sénat le droit de disposer de la
liberté de Lentulus et de ses complices, du moins son
vote n'indique pas qu'il croie la sanction du peuple
nécessaire à la validité de
l'arrêt des Pères, et ce qui surprend davantage,
il attend au dernier moment pour prononcer le mot d'appel et
pour adjurer les tribuns de faire usage de leur intercession.
Il est bien difficile de ne pas voir dans sa conduite une
arrière-pensée de politique perfide, et je
serais porté à croire que son projet fut
d'engager le sénat dans une affaire périlleuse
; de constater l'abus de pouvoir, seulement lorsqu'il
était imposible à ses adversaires de se
rétracter ; se réservant de les accabler
ensuite au nom de la souveraineté du peuple, lorsque
ce grand conflit serait évoqué devant les
comices. Dans le sénat ou dans le Forum, César
comptait sur la victoire, et je crois que c'est au Forum
surtout qu'il aurait voulu triompher. J'avoue que j'ai peine
à comprendre l'inaction des tribuns du peuple dans un
débat qui intéressait à un si haut
degré les privilèges qu'ils étaient
chargés de défendre. Quoi ! parmi dix tribuns,
dont la plupart assurément appartenaient au parti
démocratique, dont plus d'un sans doute était
à la dévotion de César, pas un seul
n'accueille ses protestations, pas un seul n'ose faire usage
de cette intercession dont ils étaient si justement
jaloux ! Qu'était donc devenu Attius Labiénus,
qui, par son ordre, demandait naguère la tête
d'un vieillard coupable d'avoir obéi à un
sénatus-consulte ? Faut-il supposer que tous les
tribuns, troublés par la mâle éloquence
de Caton, aient cédé à un
entraînement involontaire dont on ne trouve
guère d'exemples dans l'histoire des assemblées
délibérantes ? Non, une explication plus
simple, je crois, se présente. Ce fut par
l'intimidation et la violence que le consul arrêta tout
appel, et l'irruption des chevaliers dans la curie
était sans doute le dernier et le plus puissant
argument que la faction oligarchique avait
préparé contre ses adversaires.
Le soir des nones de décembre la conspiration fut
vaincue dans Rome. La mort de cinq de ses chefs avait suffi
pour épouvanter tous leurs adhérents, et pour
en finir il ne restait plus qu'à exterminer les bandes
de Catilina, qui désormais n'inspiraient plus
d'inquiétudes.
Sans doute il était glorieux d'avoir
préservé Rome d'une sédition imminente,
de l'avoir sauvée, si l'on veut, du massacre et de
l'incendie, sans combat et par le supplice de cinq hommes,
dont aucun ne pouvait inspirer le moindre
intérêt. Opimius pour vaincre le dernier des
Gracques, avait jonché le mont Aventin de trois mille
cadavres ; Marius avait versé des flots de sang pour
chasser du Capitole Saturninus et Glaucia. Mais entre Opimius
et C. Gracchus, entre Marius et les révoltés du
Capitole, c'était la guerre, et le sang versé
dans un combat ne laisse pas de traces hideuses comme le sang
qui coule dans une exécution. De quelque
manière qu'on envisage le procès de Lentulus et
de ses quatre compagnons, il demeure évident que les
formes légales y furent violées. Ce fut par une
surprise, et plus probablement par la violence, que la
révision du jugement fut soustraite au peuple.
En vain alléguerait-on plus d'un exemple du pouvoir
souverain que le sénat s'arrogea dans d'autres
circonstances. La constitution de Rome avait changé
comme ses moeurs. Autrefois, Servilius Ahala et Scipion
Nasica avaient tué publiquement des hommes mis hors la
loi par un parti ; ils firent par fanatisme politique ce que
les ministres des proscriptions de Marius et de Sylla firent
pour de l'or. Les uns comme les autres purent se dire les
vengeurs des lois, car ils obéirent à des lois
; dans un temps de révolution la violence n'en manque
jamais. Aujourd'hui, quel nom donnerons-nous à ces
superbes défenseurs des privilèges
aristocratiques ? Nous sommes trop habitués à
juger les anciens avec les préjugés ou les
sophismes de leur histoire. La nôtre a une morale plus
sévère ; elle exige que les lois soient
appliquées même à ceux qui veulent les
détruire.
La gravité des
circonstances, la nécessité, qu'il est toujours
si facile d'invoquer, la faiblesse même du gouvernement
oligarchique, rendent peut-être excusable
jusqu'à un certain point la conduite de
Cicéron. Au Forum le procès des conjurés
pouvait exciter des troubles sérieux. Leur
condamnation était incertaine ; leur châtiment
n'eût pas été probablement la mort. Mais
pour contenir Rome, pour vaincre Catilina, était-il
nécessaire d'étrangler en secret et comme par
surprise cinq débauchés qu'on aurait pu
convaincre et qu'on eut à peine la patience
d'interroger ? Le sénat n'avait-il point des
légions ? Rome entière n'était-elle pas
sous les armes, et quelques jours de vie accordés
à cinq misérables auraient-ils changé
l'issue de la guerre civile ? Non sans doute. Cicéron
par son adresse avait rompu l'alliance qui pouvait exister
entre les conjurés et la faction démocratique ;
il avait obligé César à se prononcer.
Pourquoi ne pas se présenter alors aux comices et leur
demander une condamnation déjà ratifiée
par celui dont le peuple avait fait son idole ? Mais ce
n'était point Lentulus, ce n'était point
Catilina que Cicéron faisait châtier dans la
prison du Capitole ; il fallait à l'oligarchie des
représailles terribles qui fissent oublier le
procès de Rabirius. Trop faible pour s'attaquer
à ses ennemis les plus dangereux, elle chercha
d'autres victimes. On niait l'autorité du sénat
; il prouva sa force en suscitant le fantôme d'un
danger dont il s'exagéra peut-être
lui-même la grandeur ; il put se mettre un instant
au-dessus des lois. Il espéra intimider, non point
César, mais tout ce peuple qui l'avait pris pour son
chef. En effet il réussit, comme Sylla avait
réussi. Mais Sylla avait fait tomber deux mille
têtes ; ses massacres avaient eu lieu à la
clarté du jour, sur la place publique : le
sénat faisait étrangler la nuit cinq hommes
dans une prison souterraine. Le souvenir des proscriptions
durait encore, et le supplice de Lentulus fut oublié
au bout de quelques jours. Enivré des acclamations qui
l'avaient accueilli, Cicéron s'abandonna à
l'excès de sa vanité (24). On l'a vu en plein
sénat se mettre au-dessus des Scipions et des
Paul-Emile. Il fut aussi peu modeste dans les relations qu'il
s'empressa d'envoyer à tous les magistrats alors
éloignés de Rome. Il eut même la
maladresse de faire remettre à Pompée, alors en
Asie, un volumineux mémoire sur les travaux de son
consulat, dans lequel, en se donnant à lui-même
les éloges les moins mesurés, il osait comparer
la répression du complot de Lentulus aux
conquêtes du vainqueur de Mithridate. On n'avait point
habitué Pompée à un pareil langage. Son
orgueil s'en irrita, et il ne daigna pas répondre. De
la part d'un homme dont l'opinion était d'un si grand
poids dans la république, cette marque de
désapprobation affecta vivement Cicéron et lui
inspira de sérieuses inquiétudes. Aussi
s'empressa-t-il de s'humilier pour réparer sa faute.
«Crois-moi, écrit-il à Pompée,
dans une seconde lettre que nous possédons encore, tu
verras à ton retour que j'ai montré assez de
prudence, assez de courage, pour que le grand Pompée,
bien plus grand que Scipion, me permette, en politique et en
amitié, de prétendre à remplir
auprès de lui le rôle d'un Laelius (25)».
Métellus
Népos, après avoir servi avec distinction dans
la guerre contre les pirates et dans les campagnes du Pont,
venait d'arriver à Rome, et sur la renommée de
la faveur dont il jouissait auprès de Pompée,
il avait été aussitôt
désigné tribun du peuple. Il apportait,
disait-on, les instructions secrètes de son
général, et passait pour le confident de ses
projets politiques. Le 4 des ides de décembre,
c'est-à-dire cinq jours après
l'exécution des conjurés, il prit possession de
sa charge ; car on a vu que l'installation des tribuns du
peuple précédait toujours celle des consuls,
qui n'avait lieu qu'au renouvellement de l'année.
Métellus ne cachait pas l'horreur que lui inspirait
l'événement des nones de décembre, et
l'on en préjugeait l'opinion de Pompée.
Instruit que Cicéron, en déposant le consulat,
se préparait, suivant l'usage, à faire au
peuple un discours pour rendre compte de sa conduite, il
annonça l'intention de lui interdire la parole. Il en
avait le pouvoir, car dans ces assemblées les tribuns
présidaient. «Celui qui n'a pas permis aux
accusés de se défendre, avait dit
Métellus dans une harangue publique, ne se
défendra pas lui-même en ma
présence». En vain Cicéron,
alarmé, le fit prier de se départir d'une
semblable résolution ; en vain pour l'apaiser il
employa la médiation de Mucia, soeur du nouveau
tribun, et de Claudia, sa belle-soeur, Métellus fut
inflexible (26).
La veille des kalendes de janvier, au moment où le
consul voulut prendre la parole, Métellus lui imposa
silence, et lui ordonna durement de se borner à
prononcer le serment ordinaire, c'est-à-dire que
pendant la durée de son consulat il n'avait rien fait
contre les lois. Cicéron alors d'une voix forte et
sonore, s'écria : «Je jure que j'ai sauvé
la patrie et que j'ai conservé l'empire à la
république (27) !» - «Il
dit vrai !» répondit la foule pressée
autour de la tribune ; mais ces applaudissements ne pouvaient
tromper que Cicéron sur l'approche de la
tempête. Des consuls sans énergie allaient lui
succéder ; César était préteur et
Pompée revenait tout-puissant à Rome.
(1) Ollis
(consulibus) salus populi suprema lex esto (Cit., de
Leg., III, 3). |
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(2) Voy.
Guerre sociale, p. 49. |
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(3) Voy.
Guerre sociale, p. 59. |
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(4) Quarante-quatre
jours ; le sénatus-consulte fut rendu le 11 des
kalendes de novembre, et le jugement le jour des nones de
décembre ; c'est-à-dire du 26
décembre au 7 février, 63 avant
Jésus-Christ. |
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(5) Chez
tous les peuples, la religion est comme l'expression des
moeurs. Parmi les Romains, c'était une croyance
qu'un dieu ne pouvait défaire ce qu'avait fait un
autre dieu : Rescindere nunquam Dis licet acta deum. (Ovid., Met., XIV, 785.) Il pouvait arriver au même résultat par d'autres moyens, et Ovide l'explique aussitôt : Junon ouvre une porte de Rome aux Sabins, Vénus ne peut la fermer ; mais elle oppose à leur passage une source brillante. Il me semble voir dans ce mythe une image du respect des Romains pour les lois bien ou mal votées, et de leur adresse à les éluder. |
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(6) César,
dans sa harangue à ses soldats avant de passer le
Rubicon, expose fort bien, ce me semble, les cas
où l'on peut à bon droit proclamer la
patrie en danger : Qua voce et quo S. C. populus Romanus
ad arma sit vocatus, factum in perniciosis legibus, in vi
tribunitia, in secessione populi templis locisque
editioribus occupatis. (Caes., Civ., I, 7.) |
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(7) Cic.,
in Pison., 21 - Voy. Guerre sociale, §
XIX. |
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(8) Tarquinii
superbissimi et crudelissimi regis, ista sunt cruciatus
carmina (Cic., Pro Rabir., 4). - Non tribunitia
actione sed regia (Id., ibid., 5). |
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(9) Caesar
intelligit legem Semproniam esse de civibus constitutam.
Qui autem reipubliem sit hostis, eum civem esse nullo
modo fieri posse (Cic.,
Cat., IV, 5). |
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(10) Video
de istis qui se populares haberi volunt, abesse non
neminem ne de capite videlicet civium romanorum
sententiam feras. Is et nudius tertius in custodiam
cives romanos dedit (Cic.,
Cat., IV, 5). - L'intention ironique de
ces mots, cives romanos, ne peut être mise
en doute. |
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(11) Dubitatis
quid, infra moenia deprehensis hostibus, faciatis ?
(Sall., Cat., 52.) - Je rechercherai tout à
l'heure pourquoi le mot perduellis ne se trouve
pas textuellement dans les discours des orateurs que j'ai
cités ; il suffit que son équivalent, le
mot ennemi public, s'y présente. |
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(12) Sed,
per deos immortales, quamobrem in sententiam non
addidisti uti prius verberibus in eos animadverteretur ?
an, quia lex Porcia vetat ? at aliae leges item
condemnatis civibus non animam eripi, sed exsilium
permitti, jubent ! (Sall.,
Cat., 51). |
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(13) J'ai
suivi, pour la sentence de César, le
témoignage de Salluste et celui de Cicéron,
qui, réunis, ne peuvent être
révoqués en doute. Plutarque et Appien
rapportent les conclusions de César d'une
manière toute différente. D'après
ces auteurs, il aurait voulu que les conjurés
fussent détenus provisoirement dans les municipes,
pour être jugés après la destruction
des rebelles d'Etrurie. Frappés l'un et l'autre,
suivant toute apparence, de la contradiction qu'ils
remarquaient entre la répugnance exprimée
par César pour une peine nouvelle, et la sentence
qu'il propose, nouvelle en effet, coutre des citoyens,
ils ont essayé de refaire cette sentence. Cf les
paroles de Plutarque (Caes., 7). - Plutarque ne
s'est pas aperçu qu'en mettant dans la bouche de
César la proposition de déférer plus
tard au sénat le jugement des conjurés, il
lui attribuait non seulement une infraction manifeste aux
lois romaines ; car, dans un temps de
tranquillité, le sénat ne pouvait juger des
accusés, mais encore, qu'il prêtait à
son héros une concession en opposition directe
avec toute sa conduite. En effet, le juge de Rabirius
pouvait-il jamais avouer qu'au sénat
appartînt le droit de prononcer sur le sort d'un
citoyen ? - Appien, qui connaissait mieux les usages de
Rome, ne parle point du jugement par le sénat
(Civ., 11, 6). |
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(14) Quamobrem
fateor, atque etiam T. Labiene, profiteor, prae me fero,
te ex illa crudeli, importuna, non tribunitia actione,
sed regia, meo consilio, virtute, auctoritate esse
depulsum (Cic., Pro Rabir., 5). |
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(15) De
capite civis nisi per maximum comitiatum ne ferunto
(Cic., de Leg., III, 4). |
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(16) Les
lois Porcia et Sempronia. |
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(17) Liv.,
1, 26. - Il est remarquable que le premier exemple
historique de perduellion se trouve ainsi associé
au premier exemple de provocation. |
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(18) Trois
lois Valeria, la loi Porcia, la loi Sempronia, etc. |
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(19) Je ne
veux point rechercher ici ce qu'il faut entendre par ce
mot d'assemblée du peuple, populus ; si,
comme le veut Niebuhr, il n'exprimait, dans l'origine,
que la réunion des individus composant la caste
patricienne, ou s'il comprenait l'ensemble des citoyens.
A l'époque dont je m'occupe, l'ascendant de la
démocratie avait depuis longtemps aboli toute
distinction politique entre les patriciens et les
plébéiens. La plebs avait conquis
les privilèges du populus. |
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(20) Ab
onmi judicio poenaque provocare licere, indicant XII
Tabulae compluribus legibus (de Rep., II,
31). |
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(21) Ne
quis ullum magistratum sine provocatione crearet, qui
creasset, eum jus fasque esset occidi : neve ea caedes
capitalis noxae haberetur (Liv., III, 55). -(V. C. 306.)
- A l'armée le droit de provocation n'existait
pas. Un peuple chez lequel les institutions militaires
avaient été l'objet d'études et de
perfectionnements continuels, avait compris de bonne
heure qu'il était nécessaire de fonder la
discipline sur l'obéissance passive du soldat.
Tant qu'il était sous les drapeaux, le Romain
était un esclave : aussi les ordres des
commandants militaires étaient-ils sans appel :
«Noster populus, dit Cicéron, in bello sic
paret, ut regi». (De rep., I, 40.) -
Militiae, ab eo qui imperabit, provocatio ne esto ;
quodque is qui bellum geret imperassit, jus ratumque este
(Cic., de Leg., III, 3). |
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(22) Leges
praeclarissimae de XII Tabulis translatas, quarum altera
de capite civis rogari nisi maxime comitiatu vetat (Cic.,
de Leg., III, 19). |
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(23) Provoco.
Si l'accusé ajoutait tribunos plebis
appello, il paraît que ces magistrats ne
pouvaient lui refuser leur protection, en tant du moins
qu'elle suspendait l'action de la sentence
déjà prononcée par le juge. |
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(24) Clodius
disait de lui : Il se croit Jupiter ; il appelle Minerve
sa soeur (Cic., Pro dom., 34). |
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(25) Qum,
quum veneris, tanto consilio, tantaque animi magnitudine
a me gesta esse cognosces, ut tibi multo majori quam
Africanus fuit. Tamen non multo minorem quam Laelium,
facile et in republica et in amicitia adjunctum esse
patiare (Cic., Ad. Div., V, 7, 2). |
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(26) Cic.,
Ad. Div., V, 2, 4. |
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(27) Plut.,
Cic., 23. |