Naples - Présentation

Naples, ancienne capitale du royaume de ce nom et aujourd'hui chef-lieu de province, siège d'une vieille université, d'un archevêché et du commandement du Xe corps d'armée, est une ville de 535 100 hab., la plus populeuse de l'Italie. Elle occupe un des plus beaux sites du monde, par 40°51 de latit. N., sur le golfe de son nom, au pied et sur les versants de plusieurs collines qui s'élèvent de la mer en amphithéâtre. Son admirable golfe a exercé de tout temps la plus forte attraction, et aujourd'hui encore, comme dans l'antiquité, des milliers d'étrangers viennent chaque année chercher des distractions et des jouissances sur ses bords. «Vedi Napoli e poi muori !», voir Naples et puis mourir, est un vieux dicton que répète volontiers même le dernier des Napolitains.

Lagrèze (1888) p.7

Mais cette ville est bien inférieure à celles du centre et du nord de l'Italie aux points de vue historique et artistique. Ses superbes collections d'objets trouvés à Pompéi et à Herculanum, qui nous révèlent la vie des anciens sous un jour tout nouveau, sont seules capables d'inspirer un véritable intérêt. Il paraît que les peuplades même les mieux douées qui ont habité cette terre luxuriante, n'ont pu opposer qu'une résistance de courte durée à son influence, à son climat énervant. Les Grecs, les Osques, les Romains, les Goths, les Byzantins, les Normands, les Allemands, les Français, les Espagnols en ont été successivement les maîtres, mais jamais ils ne sont parvenus à y occuper une position importante.

Naples a une histoire qui remonte jusqu'à la plus haute antiquité. Cette ville est d'origine grecque, comme son nom. Des éoliens venus de Chalcis, capitale de 1'Eubée, fondèrent en 1056 av. J.C. la colonie de Kymé, la Cumes des Romains, qui devint bientôt puissante et riche par son commerce. Cette colonie semble avoir fondé de bonne heure celle de Parthénopé (du nom de la sirène Parthénopé), qui fut plus tard encore agrandie par une nouvelle émigration de la Grèce, et appelée Néapolis, la nouvelle ville, tandis que Parthénopé se nommait Paléopolis, la vieille ville. Cette dernière était probablement située sur le Pizzofalcone, tandis que l'emplacement de la ville neuve est délimité à l'E. par le Castel Capuano, au N. par la strada Orticello, à l'O. par la strada S. Sebastiano et au S. par le coteau tourné vers le port actuel, entre S. Giovanni Maggiore et S. Maria del Carmine. La distinction entre les deux villes cessa en 326 av. J.C., après la conquête de Paléopolis par les Romains. Ensuite Naples resta fidèle à Rome, tant dans la guerre contre Pyrrhus que dans celle contre Annibal, et bientôt elle devint le séjour de prédilection de la noblesse romaine. Cependant la langue et les moeurs grecques s'y maintinrent jusque bien avant sous l'empire. Lucullus y possédait des jardins sur le Pausilippe et sur la hauteur de Pizzofalcone, où vint aussi mourir le dernier empereur, Romulus Augustule, l'an 476 de notre ère. Auguste résida souvent à Naples, et Virgile y acheva ses plus belles poésies. Les empereurs suivants : Tibère, Claude, Néron, Titus, Adrien, favorisèrent également cette ville, qui jouit toujours du droit de cité et eut une constitution grecque. Elle souffrit considérablement de l'invasion des Barbares, et elle fut prise d'assaut par Bélisaire, en 536, et par Totila, roi des Ostrogoths, en 543. La domination des empereurs d'Orient n'y fut pas de longue durée. Naples maintint son indépendance, sous l'administration d'un doge, contre les princes lombards. Elle ne perdit son autonomie qu'en 1130, où elle fut prise, après un long siège, par les Normands, sous la conduite de Roger. Frédéric II de Hohenstaufen en fonda l'université (1224), mais y vint rarement. Charles Ier d'Anjou (1265-1285) en fit sa capitale. Elle s'est surtout agrandie sous Ferdinand Ier d'Aragon (1458-1494), le vice-roi don Pierre de Tolède (1532-1553) et Charles III de Bourbon (1798-1759). - La population de Naples est restée à peu près la même depuis son annexion à l'Italie (517 000 hab. en 1860), mais la ville s'est, dans les dernières années, agrandie avec une rapidité incroyable, soit sur le versant du Pausilippe, où l'on a créé de nos jours des rues magnifiques telles que le cours Humbert, soit à l'O. sur la hauteur du Vomero, soit plus loin à l'E., près de la gare. On projette encore d'élever de nouveaux quartiers sur les hauteurs et sur les flancs des collines près de Piedigrotta et à la Marinella.

Il ne reste à peu près rien des constructions grecques et romaines à Naples. En revanche, il y a en fait d'édifices du moyen âge, outre les églises, cinq châteaux et quatre portes : les châteaux St-Elme, de l'Oeuf, Nuovo, del Carmine et Capuano et les portes del Carmine, Alba, Nolana et Capuana. En général, cependant, la ville est moderne.

Naples est divisée en deux par le promontoire de Capodimonte, St-Elme et le Pizzofalcone, qui se termine par l'étroit rocher que couronne le château de l'Oeuf. C'est à l'E., entre Capodimonte et le Sebeto, que s'étend la plus ancienne et la plus grande de ces deux moitiés de Naples, la partie la plus commerçante, traversée du S. au N. par la grande rue de Tolède, aujourd'hui via Roma. L'extérieur de ce quartier, avec ses rues étroites et souvent sombres et ses hautes maisons avec balcons à toutes les fenêtres n'a rien de séduisant. La population y est des plus compactes, et le choléra de 1884 a de nouveau montré la nécessité des grands travaux de voirie qui se font depuis lors et auxquels la ville et l'Etat doivent consacrer cent millions.

Le petit quartier de l'ouest où sont presque tous les hôtels importants, s'étend le long de la mer à partir du Pizzofalcone. Le quartier en construction sur la hauteur n'a pas d'intérêt pour les étrangers, pas plus que les autres quartiers neufs.

La longueur totale de Naples, de la Mergellina aux casernes à l'embouchure du Sebeto, est de 6 kil. ; sa largeur, depuis Capodimonte jusqu'au château de l'Oeuf, de près de 9 kil. Une place publique s'appelle encore d'habitude à Naples largo et une rue principale strada, bien que les noms officiels soient piazza et via. Une rue transversale se nomme vico ; une petite rue montante, généralement inaccessible aux voitures, calata et salita, ou bien encore gradoni et rampa, quand il y a des degrés. Les rues sont parfaitement pavées, mais il n'y a pas toujours de trottoir. On a inauguré en 1885 l'aqueduc grandiose nommé Acqua di Serino, qui amène dans la ville d'excellente eau des environs d'Avellino (v. p. 77 et 167).

Naples est la ville la plus bruyante de l'Europe. Le roulement des voitures, depuis le matin jusque fort avant dans la nuit, le claquement des fouets, les cris des marchands de la rue, les offres de toutes sortes dont il est assailli étourdissent d'abord l'étranger. Les manières rampantes des Napolitains et l'impudence avec laquelle ils vous exploitent ne contribuent pas non plus à vous y rendre la vie agréable. Bien des voyageurs, surtout avec des dames, n'y trouveront d'agrément qu'en logeant dans un grand hôtel ou dans une bonne pension et en profitant toujours des voitures. Cependant le voyageur sans préjugé, qui se fait aux habitudes du peuple, finit bientôt par s'intéresser à la vie napolitaine.


Fiche bibliographique de l'illustration

G.B. de Lagrèze - Une visite à Pompéi, Paris, Firmin-Didot (1888)