Naples - Hauts quartiers

La rue de Tolède se prolonge au delà du musée, en montant lentement, sous le nom de strada S. Teresa degli Scalzi. Au commencement, en face de l'angle N.-O. du musée, à g., la strada Salvator Rosa. La rue Ste-Thérèse traverse 10 min. plus loin sur un viaduc, dit Ponte della Sanità, le quartier de la Sanità, situé plus bas.
En prenant au delà de ce viaduc le chemin qui descend à g., et tournant en bas à dr., dans la rue tortueuse qui porte son nom, on arrive en quelques min. au grand hospice de S. Gennaro de'Poveri. Derrière est l'église S. Gennaro, construite au VIIIe s. sur l'emplacement de la petite chapelle qui renfermait le tombeau de St Janvier, mais complètement modernisée. Dans le vestibule de la cour se voient des fresques fort détériorées d'Andrea de Salerne (?), l'Histoire de St Janvier.

Les catacombes ont aussi là leur entrée, et on peut les visiter en s'adressant au concierge de l'hospice (1 fr. par pers. et un petit pourb.). La partie la plus ancienne de ces excavations remonte au Ier s. de notre ère. Elles se composent de quatre galeries principales, dont deux seulement sont encore reliées par des escaliers et accessibles aux visiteurs. Au point de vue architectonique, elles sont excessivement importantes et beaucoup plus grandioses que celles de Rome, auxquelles elles le cèdent sous d'autres rapports. Elles forment un vaste système de galeries et de chambres (cubicula), dans les parois desquelles sont pratiquées des tombes de trois espèces et superposées en plusieurs rangs. Il y a même des chambres sépulcrales au-dessous du niveau des galeries. Les deux grandes salles à l'entrée servaient aux cérémonies religieuses lors des inhumations. On trouvera dans notre volume de l'Italie centrale des détails historiques sur l'ornementation des anciennes catacombes chrétiennes.

Les inscriptions qu'on a découvertes dans celles de Naples sont maintenant au musée. Parmi les peintures, nous citerons en particulier celles des deux premières salles, qui rappellent le style des ornementations pompéiennes : un Bon Pasteur dans la première galerie, les portraits du tombeau de Théotecnus, dans la deuxieme galerie, du commencement du IVe s., et un Christ du Ve ou du VIie s., plusieurs fois retouché, dans la basilique de St-Janvier (S. Gennaro). Les ossements qui remplissent à divers endroits les chambres et les galeries proviennent en très grande partie des épidémies qui ont ravagé la ville dans le cours du XVIe s. - Le tronçon de colonne priapique avec une inscription en hébreu, dans la première galerie, est une mystification du moyen âge.
Il y a aussi des catacombes, des IVe-Ve s., sous l'église S. Maria della Sanità, en bas du viaduc du même nom, mais elles n'ont pas d'importance.

En suivant, du viaduc de la Sanità, la rue de Capodimonte, on arrive en quelques min. à un rond-point, le tondo di Capodimonte (tarif simple des fiacres jusqu'à cet endroit). Le chemin des voitures fait ensuite une grande courbe à g. et se bifurque dans le haut, le bras de g. conduisant à Secondigliano, tandis que l'autre mène à l'entrée du parc de Capodimonte. Les piétons montent un escalier et tournent dans le haut à dr. Il y a 7 min. de marche du rond-point au palais. - Un peu en deçà de l'entrée du parc se trouve le vaste réservoir du nouvel aqueduc dit 1'Acqua di Serino. Il a cinq grands bassins creusés dans le roc, pouvant contenir 80 000 m. cubes. Il a été construit par une compagnie anglaise (Naples Waterworks Company) , au bureau de laquelle il faut s'adresser pour le visiter, str. Chiatamone, 5bis.

Le palais de Capodimonte, situé sur la hauteur du même nom, au N. de la ville, a été commencé en 1738, par Charles III, sur les plans de Medrano, architecte du théâtre S. Carlo, mais achevé seulement sous Ferdinand II, de 1834 à 1839. Il faut une permission pour visiter Capodimonte, ouvert de 10 à 4 h.. Les beaux jardins qui l'entourent sont dans les styles français et anglais. Il y a une partie réservée dite Bosco, où il faut encore montrer l'autorisation (25 à 50 c.) et où l'on n'est pas admis en avril ni en mai, lorsque les faisans couvent. Les voit. à 1 chev. n'entrent pas dans les jardins. On n'a pas besoin de guide. Vues splendides, surtout près d'un grand chêne vert.
Le palais renferme un MUSéE composé de peintures et de sculptures assez nombreuses, mais peu remarquables, la plupart d'artistes napolitains. Elles sont dispersées dans les appartements royaux. Les tableaux portent les noms des peintres. Nous citerons entre autres : Hackerl, une Chasse au sanglier dans le bois de Persano et une Chasse aux oiseaux sur le lac de Fusaro ; Lemasle, le Mariage de la duchesse de Berry ; Carnuccini, la Mort de César ; Celentano, Benvenuto Cellini au château St-Ange ; Hayez, Ulysse chez Alcinoüs ; une table ornée d'une mosaïque de Pompéi ; Marinetti, Cléopâtre à sa toilette ; Virginie Lebrun, portraits de la duchesse de Parme et de Marie-Thérèse ; Angélique Kaufmann, Ferdinand Ier et la reine Caroline avec leurs enfants ; Podesta, Orphée ; de Angelis, Mort de Phèdre ; Guerra, Ossian ; Postiglione, Androclès ; Bergé, Epaminondas à Mantinée ; Carelli, Prise de la porte Pia à Rome, le 20 sept. 1870 ; Vanvitelli, vue de Piedigrotta. - Il y a aussi au palais une grande collection d'objets en porcelaine et en biscuit de l'ancienne manufacture de Capodimonte, fondée en 1743 par Charles III, réorganisée en 1771 par Ferdinand IV et supprimée par les Français en 1806. Il y a du nombre des porcelaines tendres d'une finesse et d'une transparence extraordinaires, des bas-reliefs peints et des objets imités de l'antique. - Enfin l'on y voit encore une riche collection d'armes (armeria), autrefois exposée au Palais Royal, entre autres quelques vieilles armures des rois Roger et Ferdinand 1er d'Aragon, d'Alexandre Farnèse et de Victor-Amédée de Savoie, puis l'épée que Ferdinand Ier donna au brave Scanderbeg, chef des Albanais contre les Turcs (m. 1467) ; le magnifique berceau offert en 1869 par la ville de Naples à la princesse royale, aujourd'hui la reine Marguerite, etc.

Près de Capodimonte sont les villas Meuricoffre, Ruffo, Avelli et Forquet, qui jouissent de beaux points de vue dans toutes les directions. On obtient ordinairement la permission de visiter la première en faisant remettre sa carte. - A l'O., en face du palais de Capodimonte, la villa Gallo, fondée en 1809 par le duc de Gallo.

En montant la ruelle en face de l'entrée du parc de Capodimonte et en tournant à g. au bout de quelques minutes, on arrive à l'OBSERVATOIRE (Osservatorio Reale), au point culminant du Capodimonte. On l'appelle ordinairement la Specola ou encore Miradoïs, d'après une ancienne villa d'un marquis espagnol. Fondé en 1812 et agrandi en 1820, sur les plans du célèbre Piazzi (m. 1826), il acquit sous lui une réputation européenne. Son directeur actuel est M. de Gasparis, qui s'est fait connaître par la découverte de plusieurs petites planètes. - Un escalier qui descend de là en passant devant l'église de' Miracoli, conduit à la strada Foria.

En face de l'angle N.-O. du Musée National se trouve, comme il a été dit plus haut, la strada Salvator Rosa, qui conduit sur les hauteurs de St-Elme et du Pausilippe. On peut louer un âne dans le bas ou plus haut (1 fr. à 1 fr. 50 jusqu'à S. Martino). Le tramway du musée au cours Victor-Emmanuel (n° 8) a ici une section à crémaillère. Les piétons arrivent en 10 min. à la petite place Salvator-Rosa, qui est décorée de parterres de fleurs. La rue tourne ensuite à dr. vers Arenella, où naquit le peintre Salv. Rosa.
En face commence le cours Victor-Emmanuel (corso Vittorio Emmanuel ; tramway). Il serpente sur les hauteurs de St-Elme, en passant à certains endroits sur des viaducs, et il descend enfin lentement par S. Maria di Piedigrotta à la Mergellina. Il offre de très beaux points de vue sur la ville, le golfe et le Vésuve. Cette route a été commencée sous les Bourbons, mais n'a été achevée qu'en 1875. La distance de la place Salvator-Rosa à S. Maria di Piedigrotta est de plus de 4 kil. Les petites rues qui descendent du cours, en partie des rues avec des escaliers, débouchent, celles du premier tiers dans la rue de Tolède, celles du dernier dans la Chiaia.

Il y a pour monter du cours au château St-Elme et à S. Martino deux routes cavalières, à dr., en partie avec de petits degrés, où l'on trouve des ânes. La première est la pedimentina di S. Martino, à 12 min. de la place Salvator-Rosa, au delà du viaduc et de l'angle que contourne la rue, derrière la maison n° 350 ; on arrive par là en ¼ d'h. à l'entrée du château. La seconde, la salita del Petraio est env. 10 min. plus loin, entre les num. 227 et 226. - Le chemin des voitures est beaucoup plus long. Il suit la rue Salvator-Rosa jusqu'à la petite chapelle S. Maria Costantinopolitana (pl. C 4) et tourne là à gauche.

Les FUNICULAIRES sont les voies de communication les plus commodes entre la ville basse et le rione Vomero, le quartier neuf inachevé et peu habité du haut. Le premier de ces chemins de fer a sa tête de ligne à Monte Santo, à 1'0. de la rue de Tolède ; le second part du rione Amedeo, plus près du quartier des étrangers. Ils passent tous deux sous le cours Victor-Emmanuel et le second y a une halte, près de l'hôtel Bristol. L'extrémité supérieure du premier (à g. à la sortie) est à 7-8 min. au N.-O. et celle du second (à dr. à la sortie) à 12-15 min. à 1'0. de l'entrée du château St-Elme, qui est du côté N.-E. et marqué sur notre plan par Ingr.

Le château Saint-Elme (267 m.), castel S. Elmo ou S. Ermo, nommé autrefois castel St-Erasme, a été construit en 1343 par Giacomo de' Sanctis, sous Robert le Sage et considérablement agrandi et fortifié aux XVe, XVIe et XVIIe s. Les murailles énormes de ce château fort, ses fossés taillés dans le roc, de même que ses galeries souterraines, le faisaient passer autrefois pour imprenable. Le château même est maintenant une prison militaire, dont on ne peut visiter l'intérieur qu'avec une permission spéciale.

Chevalier (1889) p.57

En entrant dans l'enceinte extérieure on va visiter

*S. Martino, ancienne chartreuse, aussi remarquable par sa situation et ses beaux points de vue que par la magnificence de sa décoration. Elle a été fondée en 1325, par le duc Charles de Calabre, mais transformée au XVIIe s. Si l'on a peu de temps, traverser seulement les salles et aller surtout au belvédère.
On traverse une cour oblongue où se trouve, à g., l'entrée principale de l'église, toujours fermée, et on arrive dans une cour où il y a des sarcophages, des inscriptions et des écussons en marbre, ensuite dans un large corridor, où l'on tourne immédiatement à dr., dans une haute pièce voûtée, l'anc. pharmacie du couvent. Aux murs se voient des gonfalons. - De là on entre à g. dans une salle contenant les tableaux qui n'ont pu trouver place au Musée National. Ce sont pour la plupart de bonnes toiles de peintres napolitains des XVIe et XVIIe s. Des inscriptions donnent les noms des artistes et les sujets. Au milieu, la barque dont Charles III se servait pour ses promenades sur le golfe. - Dans la salle voisine, des Batailles, qu'explique le gardien, et de vieilles vues de Naples, dont l'une représente le roi se rendant en voiture de gala à la fête de Piedigrotta. Au milieu, une voiture qui servait autrefois aux autorités municipales, dans les grandes circonstances, et avec laquelle Victor-Emmanuel et Garibaldi firent leur entrée en 1880. - Dans une armoire, les vieux costumes des anciens conseillers municipaux. Une troisième salle, plus petite, contient de vieux drapeaux.
Revenu par la pharmacie dans la seconde cour mentionnée ci-dessus, on passe par une porte au milieu, à dr., dans un long couloir, où il y a une porte de chaque côté. Celle de g. donne entrée dans une salle où sont exposés des modèles de forteresses italiennes. Par celle de dr. et un corridor, on arrive à une jolie crèche (presepe), où l'enfant Jésus est entouré de mages et de scènes de la vie napolitaine, dans un riche paysage montagneux, la joie et l'admiration des Napolitains, grands et petits. C'était jadis, depuis le XVIe s., l'usage, à Naples de construire de ces crèches à Noël, dans ies églises et chez les particuliers, et la famille royale en avait toujours de plus en plus riches.
Le couloir aboutit, par la porte à g., à un beau CLOITRE, qui a 60 colonnes de marbre blanc. On monte ensuite quelques degrés, et l'on va à l'église en passant dans le parloir et dans la SALLE DU CHAPITRE. Cette salle, à dr. de laquelle est le choeur des Frères Convers, a un plafond de Corenzio.

L'église, où l'on entre par le choeur, est à une seule nef, avec trois chapelles sur les côtés. Elle est richement décorée de marbres. Au plafond se voit une Ascension et entre les fenêtres les Apôtres, par Lanfranc. Au-dessus de l'entrée principale, une Descente de croix, par Stanzioni(détériorée) ; à côté, Moïse et Elie, par Ribera (l'Espagnolet), qui peignit aussi les Apôtres dans les pendentifs, au-dessus des arcades des chapelles. - Le choeur est orné de fresques du chevalier d'Arpin. Le Crucifîment est de Lanfranc. Au mur à l'E., la Nativité de J.C. du Guide, qui mourut avant de la terminer. A g., la Communion des apôtres, par Ribera, dans le style de Paul Veronèse, et le Lavement des pieds, par Caracciolo ; à dr., le même sujet par Stanzioni et l'Institution de l'Eucharistie, de l'école de Paul Véronèse. Les ornements en marbre de l'église, douze roses diverses en basalte d'Egypte, ont été exécutés d'après Cosimo Fansaga ; la belle mosaïque en marbre du pavé est de Presti, le maître autel de Solimena.
On entre à g. du choeur dans la sacristie, qui a des marqueteries par Bonaventura Presto et des tableaux du chevalier d'Arpin, de Stanzioni et du Caravage. - Derrière est le trésor, où se voit une Descente de croix, de Ribera, son oeuvre capitale, aux lignes désagréables, que peuvent cependant faire oublier le coloris et la douleur poignante, bien qu'elle ne soit nullement idéalisée. Au plafond, Judith, par Luca Giordano, peinte, dit-on, en 48 heures, à l'âge de 72 ans.
On retourne au cloître par la salle du chapitre et va à dr. au musée.

Musée. - Ire SALLE : vases en argent ; objets en marbre ; reliquaire. - IIe SALLE : majoliques de Castelli, dans les Abruzzes (collection Bonghi), comme celles qu'on verra plus loin, intéressantes en tant que produits de l'industrie locale, surtout du XVIIe s. et encore moins anciennes. - IIIe SALLE (tout droit) : vieux verres de Venise, porcelaines, ivoires ; vieux antiphonaires énormes, avec miniatures ; magnifique ornement d'église et robe d'une dame de la cour sous Ferdinand VII. - IVe SALLE : veste de forçat, etc. ; souvenirs de Ch. Poerio, homme d'Etat né à Naples en 1803 et mort à Florence en 1867, et de son frère Alex. Poerio, poète patriotique, né en 1802 et mort en 1848 de ses blessures à la défense de Venise ; chapeau du cardinal Ruffo. - VIe salle, à côté de la 2e : copies de sculptures pour la plupart antiques. A dr., dans une niche, une figure en cire représentant le Père Rocco, prédicateur populaire de Naples, mort au commencement du XIXe s. - VIIe SALLE, reste de la collection de majoliques. A remarquer, en commençant à dr. : Héliodore ; le Passage de la mer Rouge ; la Toilette de Vénus ; Diane endormie ; le Jugement de Pâris, représentation originale par Ant. Lolli ; Apollon et Python ; la Chasse au sanglier ; la Bataille d'Alexandre ; le Cortège de Bacchus ; Galatée ; Jupiter et Junon, groupe des fresques des Carrache au palais Farnèse, à Rome ; David et Goliath ; Bacchus et Ariane ; Moïse sauvé des eaux. - VIIIe SALLE, à g. de la Iere : uniformes du temps des Bourbons, deux grands tableaux représentant la prise de Caprée par Murat. - IXe et Xe sALLES : tableaux modernes et broderies en soie représentant Judith, Esther, la fuite en Egypte, etc.

A l'extrémité de l'aile droite du cloître, une porte à dr. donne sur un corridor qui conduit au **Belvédère, espace hexagone avec deux balcons, d'où l'on a des points de vue ravissants sur Naples, le golfe et la riche contrée qui s'étend jusqu'à Nole et à la chaîne des Apennins. Elle est plus restreinte que celle du fort, mais mieux encadrée et plus pittoresque, et c'est un excellent point d'orientation.

Plus loin se trouvent, sur le cours Victor-Emmanuel, les hôtels mentionnés plus haut. A l'hôtel Bristol, la halte du second funiculaire. De là descend une rue qui longe le petit parc Marguerite ; un peu plus loin, une rue particulière qui monte aux villas du comte G. Grifeo. Au delà de l'hôtel Parker se détache à dr. la via Tasso (v. ci-dessous). Ensuite la première halte de la ligne de Cumes, entre deux tunnels. - Le cours Victor-Emmanuel finit à la piazza di Piedigrotta.


Fiche bibliographique de l'illustration

Abbé C. Chevalier, Naples, le Vésuve et Pompéi, Tours, Alfred Mame et fils (1889)