Temple de Vénus

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Temple de Vénus

A l'ouest du Forum et à côté de la basilique, dont il n'est séparé que par une rue, s'élève un temple 2 dont toute l'architecture était brillamment coloriée comme celle de presque tous les édifices de Pompéi, et qui, comme le temple d'Isis, a présenté un exemple de l'enceinte sacrée ou péribole a b c d. Ce temple fut reconnu en 1817, mais il ne fut déblayé que dans les années suivantes. Bien que, d'après une belle peinture représentant Bacchus près de Silène jouant de la lyre, peinture trouvée dans une chambre des prêtres, quelques antiquaires aient supposé qu'il avait pu être dédié au fils de Sémélé, bien qu'Overbeck n'ose se prononcer d'une manière positive, il nous paraît plus probable qu'il fut sous l'invocation de Vénus.

Ne semble-t-il pas fort naturel que le plus grand temple de Pompéi ait été consacré à la divinité protectrice de la ville ; or nous savons que cette divinité était Vénus, dont nous y retrouvons le nom dans de nombreuses inscriptions avec les surnoms de Physica et de Pompeiana. Nous avons vu en outre que, lorsque Sylla envoya une colonie à Pompéi, elle prit le nom de Colonia Veneria Cornelia, nom que nous trouvons rappelé dans une inscription découverte le 8 mars 1817 dans l'enceinte même du temple que nous décrivons :

M. HOLCONIVS RVFVS D. V. I. D. TER.
C. EGNATIVS POSTVMVS D. V. I. D. TER.
EX. D. D. IVS LVMINVM
OBSTRVENDORVM HS.
REDEMERVNTPARIETEMQVE
PRIVATVM COL. VEN. COR.
VSQVE AD TEGVLAS
FACIVND. CVRARVNT

Bacchus près de Silène jouant de la lyre
Roux, tome III, planche 112

«Marcus Holconius Rufus et Caius Egnatius Postumus, tous deux pour la troisième fois duumvirs chargés de rendre la justice, d'après un décret des décurions, rachetèrent, au prix de 3,000 sesterces (env. 600 fr.), le droit de masquer les jours, et firent élever jusqu'au toit le mur particulier de la colonie Veneria Cornelia».

Enfin, nouvelle preuve à l'appui de notre opinion qui est partagée par Dyer, nous savons qu'en décembre 1819, en même temps que l'inscription que nous venons de citer, on trouva une belle statue de Vénus rappelant par sa pose la Vénus de Médicis et un hermaphrodite du plus beau travail dont la place semblait marquée dans le temple de sa mère. Il est vrai qu'on découvrit aussi une demi-figure de bronze de Diane tirant de l'arc qui aurait pu donner lieu à une nouvelle conjecture.

On entre dans le temple par une porte large de 3 mètres placée au midi en face du mur de la basilique ; on y montait par deux degrés de pierre calcaire. Dans celui qui forme le seuil, on reconnaît, à l'inspection des entailles, que la porte était à quatre vantaux retenus par des verrous. Cet édifice était d'une étendue presque quadruple de celle du temple d'Isis ; le mur du péribole a intérieurement 54m 20 de long sur 33m 40 de largeur à l'extrémité nord, et 31m 60 seulement à l'extrémité sud, côté de la façade. Cette différence provient de ce que, le terrain n'étant pas rectangulaire, le côté oriental a été rendu parallèle au forum p q au moyen d'un élargissement de la muraille de ce côté b d, tout en conservant à la colonnade intérieure sa forme régulière. Peut-être aussi ce mur a-t-il été refait ainsi lors de la construction du Forum que l'on croit postérieure à celle du temple. L'angle S.-O. du mur du péribole est construit en partie de tronçons de colonnes provenant d'édifices plus anciens ; quelques-uns, et ceci est surtout apparent à l'intérieur, conservent encore des traces de leur revêtement de stuc.

Mur du temple de Vénus

Cette construction nous a rappelé, sur une bien plus petite échelle, une partie des murs de l'Acropole d'Athènes, reconstruite à la hâte pendant l'ambassade de Thémistocle à Sparte ; seulement à Athènes les tronçons de colonnes sont placés debout ; à Pompéi, ils sont couchés.

Mur de l'Acropole d'Athènes

Une autre particularité assez remarquable est que le portique abcd se compose, sur chacun des petits côtés, de neuf colonnes, de sorte que, dans l'axe du sanctuaire, se trouve une colonne au lieu d'un entrecolonnement. De cette bizarre disposition il résulte que la porte e donnant sur la rue n'est point au milieu de l'édifice, mais fait face au quatrième entrecolonnement à partir du mur occidental.

A chacun des grands côtés, le nombre des colonnes du portique est de dix-sept, ce qui donne pour toute l'enceinte un total de quarante-huit colonnes. Il paraît que le temple avait beaucoup souffert du tremblement de terre de 63 ; la disjonction presque entière des marches du perron, l'absence de toutes les colonnes du sanctuaire et la position hors d'aplomb de l'autel témoignent qu'on ne s'était pas encore occupé de leur reconstruction, les réparations ayant commencé par le portique.

Les colonnes, dont les cannelures sont pleines jusqu'au premier tiers, étaient primitivement d'ordre dorique ; mais à l'époque des restaurations, on convertit leurs chapiteaux en une espèce de corinthien de fantaisie et des bases furent ajoutées ; la frise dorique fut recouverte de stuc, mais celui-ci, tombé presque partout des fragments qui ont été retrouvés et déposés sur le sol entre les colonnes, a laissé à découvert les triglyphes, marques distinctives de l'ordre. Il résulta de cet arrangement un composé lourd et disgracieux qui n'a ni l'élégance du corinthien, ni la noblesse du dorique, le chapiteau surtout étant trop écrasé pour l'ordre corinthien.

Aux deux angles intérieurs i h du portique étaient de petits bassins pour l'eau lustrale, posés sur un pied et appelés monopodia. Derrière celui de gauche, entre la première et la deuxième colonne, est un piédestal où deux cercles juxtaposés, légèrement creusés dans le marbre et conservant des trous de scellement, semblent indiquer la place d'un petit groupe de deux figures de bronze qui probablement versaient dans le bassin l'eau amenée par un tuyau renfermé dans un autre trou carré que l'on voit encore. En avant du même monopodium est, dans l'area, un petit autel h.

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Peinture du temple de Vénus

A l'intérieur, les murs du portique étaient recouverts de peintures aux vives couleurs, représentant généralement des paysages, des fabriques et des intérieurs avec des figures auxquelles le caprice du peintre a donné des têtes d'homme et des corps d'enfant, ce qui, à l'époque de sa découverte, valut à l'édifice le nom de Maison des Nains, qu'il conserva jusqu'au moment où les fouilles continuées firent reconnaître que c'était un temple. Ces grotesques sont représentés jouant ensemble, combattant des crocodiles, ou occupés à des travaux domestiques ; une des compositions offre Achille traînant Hector attaché à son char ; deux autres, Achille et Agamemnon et Priam implorant Achille. Celles de ces peintures qui n'ont point été portées au Musée sont aujourd'hui presque entièrement détruites ; on en trouve cependant encore quelques traces sur le mur oriental.

Autour du portique régnait, sur le bord du toit, un élégant chéneau en terre cuite, décoré alternativement de têtes de lion et de palmettes.

La partie découverte ou area f g h i a 44m 40 de longueur sur 22m 20 de largeur. On y descend par deux degrés suivis d'une sorte de trottoir le long duquel règne un caniveau pour les eaux ayant à chaque angle un petit bassin carré où se déposaient les immondices qu'elles charriaient. Au côté droit, en avant de la cinquième colonne, est un petit piédestal k portant une statue de marbre blanc terminée en gaine, trouvée le 26 février 1817 ; c'est une figure jeune, d'un aspect mélancolique et dont il serait difficile de déterminer le sexe ; toutefois elle paraîtrait plutôt féminine ; elle a les épaules entourées d'un manteau qui lui remonte sur la tête. Plusieurs autres termes ont été trouvés dans ce temple ; leurs piédestaux existent, mais celui-ci seul était encore à sa place.

Au fond de l'area, et entièrement isolé comme celui d'Isis, le temple proprement dit t s'élève sur un vaste soubassement ou podium de 20 mètres de longueur sur 11m 85 de largeur et 2m 3O de hauteur, auquel on montait par treize degrés en pierre calcaire séparés par un repos ; les sept dernières marches étaient entièrement bouleversées, mais elles viennent d'être réparées. A la gauche de l'escalier sont déposés les fragments d'une colonne de cipollino (1) dont le chapiteau ionique de marbre blanc est surmonté d'un cadran solaire, solarium (2). Cette colonne, trouvée dans le temple, le 14 mars 1817, porte sur un cartel en relief cette inscription :

L. SEPVNIVS. L. F.
SANDILIANVS
M. HERENNIVS A. F.
EPIDIANVS
DVO VIR. I. D.
D. S. P. E. C.
«L. Sepunius Sandilianus, fils de Lucius, et M. Herennius Epidianus, fils d'Aulus,
duumvirs chargés de rendre la justice, ont fait placer cette colonne et ce cadran à leurs frais» (3).

Le temple était périptère, c'est-à-dire entouré d'une colonnade ; il était hexastyle, présentant six colonnes à la façade ; il y en avait dix à chacune des ailes. Ces colonnes ont entièrement disparu ; elles enfermaient, au devant de la cella, une large plate-forme pavée en mosaïque grossière et qui devait être très favorable au développement des pompes sacrées. Les murs de la cella ne s'élèvent plus guère qu'à 2 mètres au-dessus de cette plate-forme ; ils étaient décorés de compartiments ou refends formés par des filets et des oves ; ils présentent à chacun des angles un pilastre cannelé, et à la façade une large ouverture fermée autrefois par une porte à quatre vantaux, large de 3m 30. On reconnaît encore dans le seuil les cavités qui en recevaient les pivots et les verrous. A l'intérieur, les murs de la cella n'ont que des refends de stuc blanc sans aucun ornement. Le pavé est un assemblage de marbre entouré d'une grecque en mosaïque et formé de losanges verts, blancs et noirs, présentant à l'oeil l'aspect d'une réunion de cubes posés sur l'un de leurs angles. Au fond du sanctuaire est un piédestal de tuf qui n'a conservé de son revêtement de marbre qu'une moulure inférieure ; il portait sans doute la statue de la déesse.

Au pied du perron est un assez grand autel m, à peu près semblable à celui que nous avons vu au temple de Jupiter et Junon. La corniche est en marbre blanc, le dé en pierre calcaire et le soubassement en tuf. Sur ses deux faces il porte l'inscription suivante :

M. PORCIVS M. F. L. SEXTILIVS L. F. CN. CORNELIVS CN. F.
A. CORNELIVS A. F. IIII VIR D. P. S. F. LOCAR.
«Marcus Porcius, fils de Marcus, Lucius Sextilius, fils de Lucius, Cneius Cornelius, fils de Cneius,
Aulus Cornelius, fils d'Aulus, quatuorvirs, ont fait placer cet autel fait à leurs dépens».

Cet autel ne ressemble pas, par sa partie supérieure, à ceux qui étaient consacrés à l'immolation et à la combustion des victimes ; il n'était probablement destiné qu'aux lectisternes ou à recevoir des offrandes non sanglantes comme celles qu'on présentait ordinairement à Vénus. Un autre autel plus petit et plus simple n s'élevait à la droite du perron et au pied du podium.

Derrière le temple et sous le portique se trouvent plusieurs salles o ornées autrefois de brillantes peintures et qui servaient de logement aux prêtres ; elles avaient remplacé un portique dont les colonnes polygonales et d'un ordre dorique très simple se voient encore enclavées dans la muraille. C'est dans la première de ces salles, qui seule communique avec le temple, que se trouve encore en place la peinture de Bacchus et Silène dont nous avons parlé. On a pensé que cette composition avait été détachée d'une autre muraille en la sciant comme font les modernes et encastrée ici au milieu d'un élégant encadrement, nous verrons que souvent aussi ces tableaux étaient exécutés à part et mis en place après leur achèvement ; il peut en être de même de celui-ci. Ce qui est certain, c'est que l'on voit autour comme un trait de scie et qu'aux angles supérieurs sont encore deux des crampons de fer qui retenaient les peintures Q. Trois autres sujets qui décoraient la même pièce ont disparu. Enfin dans la muraille est une petite niche qui dut contenir des dieux Lares. Cette salle a une issue p sous le portique du Forum ; les trois autres pièces sont maintenant presque entièrement remblayées ; elles avaient leur entrée sur une ruelle passant derrière le temple.


(1)  Marbre blanchâtre veiné de vert et de gris ; les anciens, qui en ont fait un fréquent usage, le nommaient lapis phrygias.

(2)  De sol, soleil, et hora, heure (Varro, de Ling. lat., VI, 4); en grec skiaqhra, de skia, ombre, et qhraw, chercher.

(3)  Nous verrons que ces mêmes magistrats avaient placé un autre cadran solaire dans le forum triangulaire.
Le premier cadran solaire offert au public par un magistrat fut celui que L. Papirius Cursor plaça à Rome près du temple de Quirinus, l'an de Rome 461 (292 av. J.-C.) PLINE, VII, 60.
Plaute, qui écrivait au commencement du VI° siècle de Rome, nous a laissé une plaisante déclamation d'un parasite contre l'introduction des cadrans solaires. Ces vers sont tout ce qui reste d'une comédie perdue, qui était intitulée Bis compressa seu Beotia :
«Que les dieux exterminent le premier qui inventa les heures, le premier qui plaça un cadran solaire dans cette ville ! le traître qui m'a coupé le jour par morceaux pour mon malheur ! Dans mon enfance, il n'y avait pas d'autre horloge que l'estomac, et celle-là est la meilleure, la plus exacte pour avertir à propos, à moins qu'il n'y ait rien à manger. Maintenant, quoique le buffet soit plein, on ne sert que lorsqu'il plaît au soleil. Aussi depuis que la ville est remplie de cadrans solaires, on voit presque tout le monde se traîner amaigri et affamé».