1. Ses origines
  2. Son installation en Grèce
  3. L'extension de ses assimilations
  4. Mythologie - Son enfance
  5. Mythologie - Les orgies
  6. Mythologie - Ses ennemis
  7. Mythologie - Ariane
  8. Mythologie - L'Asie mineure et l'Inde
 
  1. Le dieu du vin
  2. Ses attributs moraux
  3. Ses symboles naturels
  4. Ses symboles fabriqués
  5. Représentations anthropomorphiques
  6. Dionysos, Héra et Athéna
  7. Un dieu de mystères
  8. Dionysos/Bacchus en Italie

La principale fable que le culte spécial aux îles de l'Archipel introduisit dans le cycle de Dionysos fut celle de ses amours ou de son union conjugale avec Ariadne. Cette fable fut universellement admise, mais le culte d'Ariadne, solennisé par des fêtes publiques, resta presque exclusivement concentré dans les îles, en particulier à Naxos, où il paraît avoir pris naissance, et en Crète, la patrie de la famille de Minos, à laquelle la légende rattachait l'héroïne dès le temps d'Homère.

Aussi le peintre d'un vase célèbre a-t-il accompagné de l'inscription NAXIÔN les figures de Dionysos et d'Ariadne assis sous un berceau de lierre, vers lesquels vole Eros, tenant une bandelette.

Le nom même d'Ariadnê détermine dans cette région le point de départ de la conception ; c'est une forme des dialectes propres aux îles pour Ariagnê «la très sainte». On en trouve aussi les formes Areadnê et Ariêdnê sur un vase peint de la Sicile Ariêda et sur un miroir étrusque Areatha. En Cypre Ariadne était identifiée à Aphrodite, et de même à Argos, à côté du temple de Dionysos où l'on montrait le tombeau d'Ariadne, était celui d'Aphrodite Uranie. C'était bien évidemment à l'origine une déesse lunaire. De là le nom d'Aridêla, celle qui se manifeste avec éclat, que lui donnaient les Crétois, et la blonde chevelure qui lui est attribuée comme une particularité caractéristique. De là aussi son occultation, pareille à celle de l'astre nocturne, occultation que les légendes locales de Chypre, de Naxos et d'Argos transformaient en une mort, déjà mentionnée par l'auteur de l'Odyssée. Cette association de Dionysos à une divinité lunaire rentre dans les données de la conception du Soma védique. Mais un autre côté se développe ensuite dans le personnage d'Ariadne ; elle préside à la fertilité de la terre, et la fable de son abandon par Thésée, puis de son hymen avec Dionysos rentre dans le cycle de ces mythes gréco-asiatiques qui symbolisaient les périodes de stérilité et de fécondité de la terre, l'hiver et l'été. C'est à leurs alternatives que se rapportaient les deux genres de fêtes, les unes gaies, les autres tristes, qui firent supposer par les mythologues des temps postérieurs l'existence de deux Ariadnes.

La fête joyeuse s'appelait Theodaisia et se célébrait au printemps, dans le mois nommé d'après elle Theodaisios, en Crète, à Naxos, à Andros, à Cos et à Rhodes sut et même dans la Libye. C'était, comme le nom l'indique, la commémoration des noces du dieu, où Pan avait conduit la danse au son de sa syrinx. Quelques auteurs rattachaient l'origine du dithyrambe à ces fêtes, où ce genre de poésie aurait imité les chants des noces divines, dans lesquels Hyménée perdit sa voix. Dionysos lui-même recevait l'épithète de Theodaisios. La fête de deuil est principalement signalée à Naxos et en Cypre, où on la célébrait à Amathonte avec des rites particuliers ; elle avait lieu en hiver.

En dehors des îles, Ariadne était honorée avec Dionysos en Attique, à la fête des Oschophoria, et dans la même contrée on signale aussi des pantomimes représentant l'union du dieu et de l'héroïne. On célébrait à Alexandrie une cérémonie en leur honneur, à Tarse de Cilicie l'importance du personnage d'Ariadne dans la religion locale est attestée par la multiplication des figurines de terre cuite qui la représentent en déesse reine, avec un voile et une stéphané garnie à ses extrémités de feuilles de lierre. Ailleurs Ariadne, bien que fameuse dans la légende et fréquemment représentée sur les monuments, ne tenait aucune place importante dans le culte. En Italie, quelques-uns l'identifièrent à la Libera indigène [voy. sect. XVI].

De l'union de Dionysos et d'Ariadne on faisait naître trois fils, Oenopion, celui qui boit le vin, Evanthès le fleurissant, et Staphylos, la grappe, ou dans d'autres récits Icaros, le héros éponyme de l'île Icaria, ou bien encore Maron, qu'on donne plus habituellement pour l'enfant d'Evanthès, d'Oenopion ou de Silène. Dans la tradition spécialement attique, Céramos, l'éponyme du Céramique, était fils de Dionysos et d'Ariadne ; il était naturel de rattacher au dieu du vin la personnification de la poterie de terre (keramos) où l'on conservait cette liqueur. C'est la même idée qui inspirait la généalogie comique qui donnait Stamnios pour père du dieu. Ailleurs, nous voyons Pithos, le grand vase à garder le vin, nommé comme un de ses serviteurs [Stamnos, Pithos]. Thoas, roi de Lemnos, Latramys et Tauropolis sont aussi indiqués comme fils de Dionysos et d'Ariadne. La naissance d'un de ces enfants du dieu est retracée dans un bas-relief.


Article de F. Lenormant