Par sa nature même, Dionysos était appelé à devenir un des grands dieux des mystères [Mysteria]. Ses fêtes les plus antiques, telles que les Triétériques du Cithéron et du Parnasse ou les Aioleiai d'Orchomène, avaient un caractère secret par l'exclusion des hommes ; l'inspiration divine qui y était censée communiquée à ceux qui y prenaient part, les rites purificatoires qui les accompagnaient, tout tendait à en faire de véritables initiations. C'est ainsi que les représente Euripide dans ses Bacchantes, et il en fait des mystères cachés aux profanes, aussi complètement soumis à la loi du secret que ceux d'Eleusis ou de Samothrace. Gerhard a donc eu raison de voir dans ces fêtes nocturnes de la Béotie et de la Phocide, opposées aux fêtes purement agraires de l'Attique [Dionysia], le point de départ, le substratum du culte mystique de Dionysos et de la physionomie nouvelle qu'y prit ce dieu. Mais c'est dans l'Attique [sect. II], que se forma la conception du Dionysos proprement mystique, distinct de celui de Thèbes et de Naxos, qui rayonna ensuite sur toutes les parties de la Grèce et réagit partout dans une mesure plus ou moins forte sur le Bacchus de la mythologie ordinaire et poétique. Elle découla naturellement de l'association qui s'était produite entre Dionysos et Déméter, dont il était devenu le parèdre et même l'amant ou l'époux. Cette association s'était d'abord produite dans une donnée toute agraire [sect. X], mais elle prit bientôt une nouvelle signification, en rapport avec le caractère même qu'avait reçu la déesse d'Eleusis [Ceres, Eleusinia].
Le trait essentiel qui marqua la transformation du dieu, d'où sortit le nouveau Dionysos mystique, fut son assimilation à Hadès ; il devint alors le dieu Chthonios par excellence, le monarque des morts. Bien des côtés de sa physionomie primitive préparaient cette transformation, qui remonte à une date ancienne. Dieu mourant périodiquement pour ressusciter avec le printemps, ou qui, par une forme euphémique de la même idée, descendait aux enfers pour en ressortir vainqueur, il était appelé à être envisagé comme un dieu des morts. Maître et auteur de la production végétative, il devait tendre à se confondre avec Hadès, le Zeus Chthonios que le laboureur d'Hésiode invoque avec Déméter, le dieu souterrain qui reçoit, qui absorbe tout, Poludektês, Poludegmôn, mais aussi qui rend tout en faisant sortir les productions de son sein, le Ploutôn ou Plouteus, source de richesses, qui a pour attributs la corne d'abondance et la fourche à deux dents, dikella, bidens, de l'agriculteur qui donne enfin lui-même la vie, comme il la retire, pheresbios Aidôneus [Pluto].
C'est l'association à la Déméter chthonienne qui fit d'abord de Dionysos à son tour un dieu chthonien, et par suite infernal. Le caractère nouveau qui en résultait se prononça davantage à mesure que se répandaient en Grèce les légendes du Zagreus crétois, du Sabazius thraco-phrygien, chez qui le côté funèbre était plus accentué, ou celles de dieux d'origine étrangère dont nous ignorons la patrie et qui se présentent à nous avec un nom tout à fait hellénisé, comme Isodaetes. Le Dionysos crétois à la légende duquel les Orphiques donnèrent une si haute importance dans leur système particulier de théologie et de mythologie [Orphici, Zagreus], est pour Eschyle le Zeus des morts, celui qui reçoit tous les hommes dans son empire, l'époux de Gê ; son nom de Zagreus, le grand chasseur, o megalos agreuôn, fut entendu comme s'appliquant à la chasse dans laquelle le dieu de la mort pousse devant lui et frappe ceux qu'il destine à son empire. Il fut donc quelquefois employé comme un simple surnom du Dionysos infernal et l'on donna le même caractère aux épithètes de Bacchus qui se rapportaient originairement aux rites sanglants du culte béotien primitif, Laphystios, Agrionios, Omestès. Le nom d'Isodaetès, interprété comme celui qui donne par la mort une même issue à tous les hommes, devint aussi une qualification du même Dionysos. C'est également aux ténèbres du monde inférieur que l'on finit par rapporter l'épithète de Nyctelios, qui avait d'abord trait aux fêtes nocturnes, comme à celle de Choragos astrôn on attribua un sens cosmique élevé, en rapport avec l'ivresse mystique que le dieu communique à l'univers et dont on retrouvait aussi l'expression dans ses qualifications de Mainomenos, Baccheios et Baccheus. Quant à ses titres de Basileus, Hegemon, Cathegemon, on les appliquait à la royauté des morts, comme synonymes de ceux d'Agesilaos et Agesandros qui appartenaient à Pluton.
Cc ne sont pas là, du reste, les seuls parmi les surnoms du Dionysos de la religion vulgaire qui revêtirent un caractère mystique et prirent un sens nouveau par suite de la transformation du dieu de Thèbes et de Naxos en dieu des enfers. Une idée funèbre exprimée sous une forme euphémique, celle du dieu qui délivre les âmes par la mort, s'attacha aux appellations de Saotès ou Soter, Eleutherios, Eleuthereus, Lysios, qui dans beaucoup de localités devinrent étroitement liées au culte mystique. Il en fut de même de celle de Meilichios dont on fit un euphémisme pour désigner le dieu dont la puissance meurtrière s'exprimait ouvertement par des noms tels qu'Omestès, et de celle d'Eubulos ou Eubuleus, qui appartenait aussi à Hadès et que l'on en vint à interpréter mystiquement d'une manière analogue au nom des Euménides, comme désignant le dieu qui veut du bien aux hommes en leur donnant le repos de la mort.
Tous ces noms prirent ainsi une double signification, funèbre et favorable, correspondant aux deux ordres de rites, les uns sombres et sanglants, les autres joyeux, des fêtes mystérieuses qui se célébraient dans la nuit en Béotie et en Phocide, et à la double physionomie, que recevait Dionysos (Dimorphos, Diphyes, Dissophyes), à la fois dieu de la lumière (Lampter, Pyrpolos, Pyriphengès) et des ténèbres (Nyctelios), de la vérité (Mantis) et du mensonge (Sphaltès), de la passivité et de l'activité, de la guérison et de la mort. Ainsi la modification apportée à la conception de Dionysos ne se bornait pas à le confondre avec Hadès, à en faire par excellence le dieu chthonien et infernal, elle pénétrait son essence de l'esprit de panthéisme cosmique, aux aspects ondoyants et divers, qui était propre à la religion mystique sous toutes ses formes [Mysteria].
Tel fut le Dionysos mystique, que sur la route de Tégée à Argos on adorait auprès de Déméter sous le nom de Mystes. C'est celui qui, à partir des réformes religieuses d'Epiménide [Eleusinia, sect. I], tint une place considérable dans le culte éleusinien, qu'il modifia profondément par l'in troduction d'éléments nouveaux, celui que nous retrouvons aussi dans tous les mystères issus de ceux d'Eleusis, comme à Phlionte, à Lerne, etc. Il est aussi le dieu de mystères dionysiaques spéciaux, les uns établis officiellement comme ceux du midi de l'Italie, les autres célébrés un peu partout au sein des associations libres telles que les thiases [Thiasus] et les colléges d'Orgeones, dans ces initiations auxquelles se rapportent bien des monuments, qui les montrent s'accomplissant souvent dans les conditions les plus simples et les plus rustiques, sous des tentes dressées dans les champs. La ciste mystique [Cista], avec son serpent, était l'emblème essentiel de ces mystères dionysiaques où elle révèle l'influence des Sabazies thraco-phrygiennes [Sabazius], et c'est de là qu'elle passa dans les autres mystères. Elle s'introduisit dans les Triétériques du Cithéron et du Parnasse, où l'on ne saurait douter que le caractère nouveau donné au dieu n'ait fini par trouver sa place et qui tendirent à devenir de plus en plus de véritables mystères. Au reste, l'idée qui faisait de Bacchus un dieu funèbre et le substituait à Pluton comme roi des enfers, idée d'abord toute mystique, finit par passer dans le domaine de la religion poétique et des croyances ordinaires. C'est ce qui était, et c'est pour cela que la représentation de la pompe de Bacchus, de ses noces avec Ariadne, de son triomphe sur les Indiens et de beaucoup de scènes de la légende du dieu de Thèbes et de Naxos, fournit les sujets de la majorité des sarcophages de cette époque, exécutés pour la plupart sans aucune intention proprement mystique. Le vêtement pourpre, couleur de vin, de Dionysos fut donné à Pluton et l'on plaça la statue du dieu sur certains tombeaux. Au milieu de cette influence du Bacchus des mystères sur celui de la mythologie et de la religion publique, ce qui reste toujours le trait distinctif du dieu mystique, sa donnée essentielle et propre, c'est son association intime avec Déméter et sa fille.
Du moment où ce dieu se confondait avec Hadès, on devait nécessairement être conduit à le lui substituer comme l'époux infernal de Perséphoné [Proserpina]. C'est ce rôle qu'il avait en effet dans la fête attique des Anthestéries [Dionysia] et dans les Petits Mystères d'Agrae [Eleusinia, sect. II] ; les monuments qui paraissent avoir trait à ces deux fêtes adoptent pour la figure de Dionysos le type viril et barbu, soit qu'il remonte à la lumière avec Coré, soit qu'il reçoive Hercule à l'initiation. Nous retrouvons encore Dionysos avec le même rôle dans les mystères de Lerne, dans le culte mystique de Thelphusa en Arcadie, de Sicyone, etc. La même association existait à Cyzique, et une monnaie de cette ville montre Coré tenant le flambeau, se rendant au-devant de son époux Dionysos, au milieu d'une pompe toute bachique, dans un char que traînent des Centaures, comme celui d'Ariadne, et que précède Eros. C'est dans ce même char traîné par des Centaures que Coré se montre, tenant des épis et des pavots, à côté d'un Bacchus du type juvénile sur le célèbre camée dit du cardinal Carpegna, actuellement au Louvre.
Au reste, Ottfried Müller a remarqué que sur les monuments de l'art il est presque impossible de distinguer en pareil cas Coré d'Ariadne et de dire laquelle des deux accompagne Dionysos. Le Zeus Phlios, infernal et armé du thyrse, qui à Mégalopolis était associé à Déméter et à Coré, et plus spécialement présenté comme l'époux de cette dernière, était comme une forme intermédiaire entre Hadès et Dionysos ; en revanche, dans un des sanctuaires mystiques de Lerne, Aphrodite remplaçait Perséphoné auprès de Dionysos, à cause du rapport établi dans les mystères entre les deux déesses" [Proserpina]. Il faut même noter que le type plastique de Vénus-Proserpine est celui de l'idole aux formes archaïques placée auprès de Dionysos dans certaines statues [sect. XIII], par un groupement qui indique l'intention de marquer une relation intime entre les deux divinités.
En même temps on avait identifié à Dionysos l'Iacchus d'Eleusis [Eleusinia, sect. I], dont la plus ancienne tradition faisait le fils de Déméter et que l'on représentait toujours comme un enfant. Bacchus se trouvait ainsi apparaître deux fois dans le cycle éleusinien, d'âge viril comme époux de Coré, résidant avec elle l'hiver dans les demeures infernales et remontant avec elle à la surface de la terre au printemps dans la fête d'Agrae, comme l'enfant médiateurdes mystères dans les Grandes Eleusinies. Suivant la tradition la plus vulgaire, le Dionysos crétois était aussi fils de Déméter. Ainsi naquit 1'idée de faire de Dionysos le frère de Coré, en même temps que son époux. C'est le couple mystique de Coros et Cora, le fils et la fille, nés tous deux de Déméter, couple si bien mis en lumière par Creuzer, que Cicéron appelle Liber et Libera, mais en les distinguant soigneusement des divinités italiques de ce nom. Un sculpteur de l'école de Praxitèle et de Scopas avait adopté celle donnée dans des groupes célèbres qui furent transportés à Rome et où l'on voyait des satyres tenant dans leurs bras, l'un Dionysos [sect. IV], l'autre Coré (Liber et Libera, dit Pline), tous deux enfants et tous deux élevés ensemble. Dans cette éducation dionysiaque attribuée à Coré, son caractère changeait sensiblement, et l'on est ainsi conduit par des degrés successifs du type de la fille de Déméter dans la mythologie habituelle à celui de la compagne de Dionysos dans le culte mystique de Phlionte, de cette déesse que l'on appelait Dia, Hébé ou Ganyméda, véritable Bacchus féminin couronné de lierre en l'honneur de laquelle on célébrait la fête des Kissotomoi, et qui semble former l'intermédiaire entre Coré et Ariadne.
L'influence des Orphiques, ainsi que des données asiatiques qu'ils avaient empruntées au mythe et au culte du Sabazius phrygien, modifia encore la conception du Dionysos mystique et donna lieu à de nouvelles combinaisons de syncrétisme. L'Iacchus d'Eleusis fut identifié au Zagreus que l'orphisme avait puisé en Crète [Eleusinia, sect. I], et on lui attribua sa passion, sa mort sous les coups des Titans, assimilée également à la mort du Dionysos de Thèbes et d'Argos. En même temps, s'inspirant de l'idée orientale du dieu qui s'engendre lui-même et reparaît dans une nouvelle génération après avoir traversé le sein d'une déesse, à la fois ainsi son épouse et sa mère, idée qui était la source de la légende phrygienne de la naissance de Sabazius, les Orphiques donnèrent la préférence à la tradition mystique de la Crète, qui faisait de Zagreus le fils de Coré, et non plus de Déméter. On fit d'Iacchus le fils de Coré et d'Hadès, identifié déjà à Dionysos. De cette façon, dans les mystères éleusiniens et dans tous les cultes qui s'y rattachaient, Dionysos apparut deux fois, avec deux rôles différents, d'abord époux de Coré dans les Petits Mystères comme dans les Anthestéries, puis son fils dans les Grands Mystères. De même que dans l'idée mystique Déméter et Coré se ramenaient à une même déesse, à la fois mère et fille [Ceres, Eleusinia, sect. I], le Dionysos infernal se dédoubla en un père et un fils, au fond identiques l'un à l'autre. Et ce double rôle correspondit à la double physionomie qui se développait chez ce dieu ; on le rapprocha aussi de sa double naissance, de sa qualité de Dimetor ou Dithyrambos.
C'est ainsi que prit naissance la légende, d'origine mystique, mais passée à une époque tardive dans la mythologie poétique, qui faisait naître Iacchus des amours de Dionysos et de la nymphe Aura, laquelle n'est qu'une forme secondaire de Coré. Cette légende se localisait spécialement à Cyzique, siège d'un culte important d'origine éleusinienne, objet d'une étude capitale de Panofka. Ce culte reposait sur l'adoration du couple de Dionysos Eleutherios et Coré Soteira ou Dionysos Soter et Coré Eleutheria, une Coré qui réunissait les attributs de cette déesse et de Déméter ; le fruit mystérieux en était Iacchus, auquel on ne donnait dans la légende extérieure et populaire que l'origine héroïque qui le faisait naître d'Aura. Cette légende le représentait comme le seul survivant de deux jumeaux mis au monde par la nymphe, qui immolait l'autre.
Cette idée mystique d'un Dionysos qui s'engendre lui-même, d'un double Bacchus, dont les deux formes, extérieurement distinctes, se résolvent en une unité fondamentale, a exercé sur les monuments de l'art une influence considérable. On ne saurait méconnaître que dans la pensée qui a inspiré un certain nombre de représentations, le Dionysos barbu de l'ancien type n'ait été envisagé comme étant avec le Dionysos imberbe et juvénile dans une relation de père à fils. De là les monuments où l'on voit simultanément les deux Bacchus, le barbu et l'imberbe, le second le plus souvent dans un des actes de sa vie, au milieu de sa bacchanale, le premier comme l'idole d'un dieu plus ancien, ou bien ceux où les masques des deux types sont réunis l'un près de l'autre comme dans notre figure. Ce n'est pas non plus sans une raison analogue que dans tant de localités de la Grèce on conservait dans le même temple deux images différentes de Dionysos, ou bien l'on adorait deux formes du dieu. Cette dualité était souvent celle du Dionysos ordinaire et du Dionysos mystique, telle que Nonnus la marque en Attique en distinguant le Limnaios et l'Eleusinios, telle que nous l'observons dans les Grenouilles d'Aristophane, où Dionysos assiste à la procession mystique d'Iacchus comme à une fête qui lui est étrangère. Nous la constatons enfin sur un marbre publié par E. Braun, où Iacchus, enfant et ailé, se voit couché au pied de l'arbre d'où sort la tête barbue de Dionysos Dendritès entre celles de Déméter et de Coré.
Il est de l'essence même des combinaisons raffinées et ondoyantes du mysticisme antique que tous les dieux sur lesquels elles s'exercent ne deviennent pas seulement doubles, mais triples. Le Dionysos des mystères n'a pas échappé à cette règle, et sa triplicité s'est même traduite dans le culte de certaines cités où pour ce dieu prédominait le point de vue mystique, comme à Patrie, où l'on portait simultanément dans une même procession trois images représentant trois formes différentes de Dionysos [sect. II]. C'est ainsi que dans le langage des hymnes orphiques il fut qualifié de Triphuês, épithète mise également en rapport avec la façon dont il présidait aux trois saisons de l'année. On le dit aussi Trigonos en ajoutant comme une troisième naissance, à celles de la légende mythologique, la production du vin sous le pressoir. Enfin on retrouva ce même nombre, dans le cycle qui ramenait ses fêtes Triétériques, cycle rapporté désormais à la notion d'un sommeil de trois ans dans les enfers auprès de Perséphoné, autre forme de sa mort périodique.
Nous ne saurions insister davantage sur toutes ces combinaisons, qui ont tenu une place considérable dans les systèmes de la pensée religieuse et philosophique, qui se sont même reflétées dans le culte, mais dont le développement complet a été tardif. A l'article Orphici l'on trouvera quelques détails sur le rôle que la secte orphique donna dans sa théologie et sa cosmogonie à Dionysos, dont elle fit le dieu universel qui anime le monde, qui est à la fois Zeus, Hadès, le Soleil et Dionysos, expliquant dans cet ordre d'idées tous ses attributs, faisant par exemple de la fabrication de son pépins par les Charites l'emblème de la création du monde, et de son cratère le vase où s'opère la mixture des éléments cosmiques ; ils voient aussi un emblème du même genre dans l'antre de Nayos, où Dionysos était représenté couché, comme sur le coffre de Cypsélus, et comme le montrent les peintures de vases dont l'intention mystique est évidente. Les Orphiques l'identifièrent donc avec leur Phanès et à ce titre lui donnèrent la qualification d'Antaugès, c'est-à-dire le reflet, la manifestation de l'intelligence ou de la lumière première, ou bien celle de Protogonos. Parmi les formes de Dionysos, outre le Zagreus d'origine crétoise, il en est surtout une qu'ils développèrent avec complaisance, en y attachant des notions spéciales et d'une nature très subtile, ce fut l'Eubuleus, qu'ils représentèrent aussi quelquefois comme l'enfant mystique de Perséphoné.
Ces rêveries compliquées, qui n'appartiennent même plus à la mystique proprement dite, mais à une secte spéciale, ne restèrent pourtant pas exclusivement renfermées dans ses assemblées et dans ses écrits. Elles eurent un écho dans certaines légendes locales. C'est ainsi que celle de Phlionte donnait le nom bien significatif de Phanès au prophète mythique du dieu qui aurait apporté dans cette ville le culte de Dionysos Lysios. Des monuments d'une date relativement basse ont été certainement inspirés par les hymnes orphiques relatifs à ce dieu. Telle est la peinture d'un vase de la dernière époque, empruntée certainement à l'hymne XVII, où l'on voit Dionysos Thesmophore armé du thyrse (thesmophoros... narthêkophoros Dionusos), debout auprès de Déméter Thesmophore, tandis que dans le fond apparaît la tête du personnage énigmatique de Misè (arrêtos anassa) que l'hymne confond avec lui en un seul être androgyne [Iacchus].
Article de F. Lenormant