1. Ses origines
  2. Son installation en Grèce
  3. L'extension de ses assimilations
  4. Mythologie - Son enfance
  5. Mythologie - Les orgies
  6. Mythologie - Ses ennemis
  7. Mythologie - Ariane
  8. Mythologie - L'Asie mineure et l'Inde
 
  1. Le dieu du vin
  2. Ses attributs moraux
  3. Ses symboles naturels
  4. Ses symboles fabriqués
  5. Représentations anthropomorphiques
  6. Dionysos, Héra et Athéna
  7. Un dieu de mystères
  8. Dionysos/Bacchus en Italie

Nous avons indiqué comment la donnée fut empruntée aux fables lydiennes sur Bussareus première des conquêtes de Dionysos.

Un premier groupe de traditions embrasse celles qui représentent Dionysos comme le défenseur des cités helléniques de l'Asie Mineure. C'est ainsi qu'il protège Smyrne contre l'attaque navale des gens de Chios, et qu'il repousse devant Ephèse les Amazones qui venaient, avec l'appui des Cariens et des Lélèges, attaquer la ville.

Ce dernier exploit est retracé sur un sarcophage de Cortone dont nous plaçons ici le dessin. Les Amazones vaincues passent ensuite dans l'armée du dieu.

Le second groupe comprend les fables relatives aux expéditions victorieuses dans lesquelles Dionysos soumit toute l'Asie, à la tête d'une armée de Pans, de Satyres et de Ménades. Divers vases peints montrent en effet les suivants du dieu dans le rôle de soldats de cette armée ; sur 1'un un Satyre s'arme d'un casque et de cnémides pour la bataille ; sur un autre, un Silène souffle dans la trompette. Les combats de Dionysos en Arabie, sa victoire sur Lycurgue, transformé en un roi arabe, et sur le géant Ascos, liée à la fondation de Damas, ont été indiqués plus haut [sect. III]. Mais la plus fameuse des expéditions du dieu fut celle qui le conduisit dans l'Est jusqu'aux dernières limites des connaissances géographiques des Grecs. A la tête de son armée, il franchit l'Euphrate à Zeugma, sur un pont soutenu par des câbles de pampres et de lierres entrelacés. Arrivé au bord du Tigre, Zeus lui envoya un tigre qui le lui fit passer à la nage. Dans l'Ibérie du Caucase il installa Pan comme régent. Au temps d'Euripide, qui en parle longuement dans sa tragédie des Bacchantes, le terme extrême de cette expédition était encore placé en Bactriane. Ce fut seulement après les victoires d'Alexandre qu'on fit aller Bacchus jusque dans l'Inde. Lucien, dans son Dionysus, décrit d'après les poètes le mépris des Indiens pour le dieu et son armée la première fois qu'ils les virent, puis leur défaite, l'incendie et la dévastation de leur pays. Les deux rois de l'Inde qu'il vainquit sont appelés Myrrhanos ou Morieus et Dériadès, ce dernier accompagné de ses trois généraux Blémys, Orontès et Oruandès. La guerre dura selon les uns trois ans, suivant d'autres vingt-cinq. Conquérant de l'Inde, Dionysos y introduisit la civilisation, enseignant aux habitants la fabrication du vin et la culture de la terre, leur apprenant à honorer les dieux, leur donnant des lois, bâtissant des villes et élevant des stèles commémoratives de son passage. Avant de retourner en Grèce, il laissa dans l'Inde ces colonies grecques qu'Alexandre et ses compagnons courent ensuite y retrouver. La fable nouvelle, ainsi formée, eut un succès immense. De nombreuses fêtes la célèbrèrent en Grèce ; la plus importante était celle des danses de pyrrhique qu'exécutaient les jeunes garçons de Sparte, mimant le combat de Dionysos contre les Indiens et la fable de Penthée. Les poètes en firent le sujet de grandes compositions, à commencer par Euphorion de Chalcis, à la cour des Ptolémées, pour continuer par le Dionysius dont les Bassarica sont souvent cités, et finir par Nonnus de Panopolis, écrivain des bas temps, dont les Dionysiaca sont une mine si vaste et si précieuse de traditions locales curieusement recueillies, qu'on chercherait vainement ailleurs.

L'art n'a pas tiré de cette fable moins de profit que la poésie.

La figure (à droite) est tirée d'un sarcophage du Vatican dont la double composition représente la défaite de Dériadès et la soumission des Indiens demandant grâce à Dionysos. Ce dernier sujet est plusieurs fois répété, soit isolément, soit avec l'enlèvement du butin de la victoire. Pan y figure toujours à côté du dieu comme son écuyer (upaspistês).

Dans la description que Longus donne d'un temple de Bacchus, il y place des peintures dont l'une représente la victoire du dieu sur les Indiens et l'autre le châtiment des Tyrrhéniens. Un sujet bien plus multiplié, et presque exclusivement propre aux sarcophages, est celui de la pompe triomphale de Dionysos revenant de l'Inde (ci-dessous) ; le char du dieu y est très souvent traîné par des éléphants, comme dans l'exemple que nous en avons fait graver.



On disait en effet que Bacchus était le seul dieu avec Jupiter qui eût mené un triomphe, qu'il avait porté le premier la couronne des triomphateurs, la magna corona [Corona]. Lui-même était surnommé Thriambos. Alexandre le premier imita ce triomphe de Dionysos au fond de l'Asie ; les rois grecs de la Bactriane, les Séleucides, les Ptolémées, les généraux et les empereurs romains suivirent maintes fois son exemple. La plus splendide pompe de ce genre fut celle que célébra à Alexandrie Ptolémée Philadelphe, et où l'on vit le dieu porté sur un éléphant, entouré de son thiase, des animaux étranges et de tous les plus riches produits de l'Inde. Une pierre gravée représente Dionysos armé du thyrse, monté dans un quadrige triomphal que conduit la Victoire.

La tradition particulière des Grecs de la Cyrénaïque ajouta à ce cycle un nouveau groupe de fables. On racontait qu'il était venu en Libye rétablir sur son trône Ammon, chassé par Cronos et les Titans, et que pour cette expédition il avait emmené dans son armée les Amazones. Dans d'autres récits on disait qu'Ammon avait sauvé l'armée de Dionysos au milieu des déserts d'Afrique, en se transformant en bélier et en indiquant une source, ou bien en nourrissant les troupes avec ses innombrables troupeaux de moutons. Ces derniers épisocles se rattachaient bien évidemment à la guerre qu'on lui faisait poursuivre contre Gigon, roi d'Ethiopie.

Plus tard, on prêta aussi à Dionysos des expéditions et des triomphes en Occident. On le fit aller en Italie. Il y recevait l'hospitalité de Falernus l'éponyme de Falernes, célèbre par son vin, et il y vainquait, dans le pays des Tyrrhéniens, le géant Alpos, fils de la Terre. On lui attribua aussi la conquête de la péninsule hispanique. Varron prétendait que le nom de Lusitanie venait des jeux (lusus) de Bacchus et celui de l'Hispanie de Pan, qu'il en avait fait gouverneur, appliquant à l'Ibérie espagnole la fable qui s'était rapportée d'abord à l'Ibérie du Caucase.


Article de F. Lenormant