[VII. Arrestation à Rome des complices de
Catilina]
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Parmi les conjurés demeurés à Rome
régnait la plus grande irrésolution. Le
départ de Catilina détruisait l'espèce
de lien que son ascendant avait établi entre des
hommes d'origine et de caractères si
différents. Tandis que Céthégus et
quelques jeunes braves de sa trempe proposaient les partis
les plus violents, Lentulus, indolent et timide,
éloignait toujours le moment d'agir, et voulait, avant
de rien tenter, voir les drapeaux de Mallius devant les
portes de Rome. En attendant, il n'était occupé
qu'à recruter de nouveaux complices. Hommes libres,
affranchis, esclaves, tout lui paraissait bon,
désobéissant même sur ce point aux ordres
de Catilina, qui, je l'ai déjà dit, soit pour
compromettre les grands propriétaires, soit pour les
ménager, refusait obstinément d'offrir la
liberté aux esclaves. Chaque jour entre les
conjurés se consumait en débats inutiles, et
chaque résolution était abandonnée
presque aussitôt qu'adoptée.
Les plus prudents voulaient
que L. Calpurnius Bestia, gagné par eux depuis
longtemps, dénonçât le consul dans une
assemblée du peuple, comme coupable d'avoir banni un
citoyen sans jugement et d'avoir excité la guerre
civile par cet acte arbitraire (1). Bestia venait
d'être désigné tribun du peuple et allait
entrer en fonctions un peu avant la fin de l'année ;
car, d'après un antique usage, l'installation des
tribuns précédait de quelques jours celle des
consuls (2). Mais
un débat de tribune, un échange de
récriminations, la perspective même d'une
émeute sur le Forum, ne pouvaient satisfaire l'ardeur
brutale de Céthégus et des jeunes patriciens,
qui ne connaissaient d'autre moyen de réussir que leur
épée. D'ailleurs, la tentative de Bestia ne
pouvait avoir lieu immédiatement, car l'époque
des Saturnales approchait, et pendant cette fête, qui
durait plusieurs jours, il n'y avait point d'assemblée
du peuple. Céthégus prétendait, au
contraire, qu'on devait profiter des Saturnales pour frapper
un grand coup. Il demandait que l'exécution du
complot, si souvent ajournée, fût fixée
à la nuit du 14 des kalendes de janvier. Au milieu du
tumulte de la fête, les préparatifs des
conjurés, disait-il, échapperaient plus
facilement à la surveillance des magistrats. Le grand
nombre d'esclaves devenus libres pour quelques heures pendant
cette solennité, tout le bas peuple répandu
dans les rues, excité par le vin et par la licence que
tolérait, que commandait même une antique
superstition, offraient aux conjurés une masse
redoutable qu'il était facile d'émouvoir et de
pousser aux derniers excès. Céthégus
avait déjà formé dans sa maison une
espèce d'arsenal ; là les conjurés se
seraient réunis et armés ; puis, le fer et la
flamme à la main, ils s'élanceraient dans les
rues, ne doutant pas que le cri de liberté aux
esclaves et l'espoir du pillage ne soulevassent
aussitôt toute la populace. Alors chacun aurait repris
le rôle dont Catilina l'avait chargé avant de
quitter Rome. Statilius et Gabinius, bien accompagés,
devaient mettre le feu dans douze quartiers à la fois,
couper les aqueducs et tuer quiconque porterait du secours.
Céthégus, avec une autre troupe, aurait
cependant enfoncé la porte du consul et l'aurait
massacré. Chaque magistrat avait ses assassins
désignés. Plusieurs jeunes patriciens
s'offrirent, dit-on, pour égorger leurs pères
(3). Il n'est crime
dont chacun de ces furieux ne réclamât sa part.
Que feraient-ils cependant après avoir allumé
l'incendie et s'être baignés dans le sang ?
Alors, profitant de la stupeur générale, les
armes à la main, ils seraient sortis de Rome pour y
ramener bientôt Catilina en triomphe (4).
Si l'absurdité seule
de ce plan rend invraisemblable qu'il ait été
jamais adopté, le caractère de ses auteurs
donne lieu de croire qu'il pût être, en effet,
discuté dans leurs conciliabules. Rien ne peint mieux
le désordre qui régnait dans ces
assemblées de scélérats que la
continuelle contradiction entre leurs projets et leurs
actions. Tandis qu'ils méditaient d'assassiner le
sénat et de brûler Rome dans une seule nuit, ils
cherchaient des alliés éloignés et
voulaient séduire des provinces sujettes, comme s'il
se fût agi, non d'un coup de main, mais d'une longue
guerre. Il y avait alors à Rome des
députés de la nation allobroge, chargés
par leur petit peuple de réclamer auprès du
sénat un dégrèvement d'impôt.
Depuis l'année 633, les Allobroges, subjugués
par le consul Q. Fabius, étaient livrés en
proie à toutes les exactions ordinaires à
l'administration romaine. Le moment était mal choisi
pour obtenir justice, et leurs plaintes n'avaient pu se faire
entendre encore dans la curie, trop préoccupée
des affaires intérieures de la république.
Lentulus jugea que ces hommes pouvaient être
séduits facilement, et que, par leur entremise, il
déterminerait les Allobroges, nation belliqueuse et
impatiente du joug, à se déclarer pour
Catilina. En conséquence, il charge un certain P.
Umbrenus de les sonder, et, s'il se pouvait, de traiter avec
eux. Umbrenus était un affranchi qui, ayant
trafiqué longtemps dans la Gaule, avait des relations
de commerce ou d'hospitalité avec la plupart des chefs
allobroges. Un jour, rencontrant les députés
dans la Graecostasis (5), palais où la
république logeait les ambassadeurs étrangers,
il les aborde et fait tomber la conversation sur les affaires
de leur pays. Tout pleins de leurs griefs, les barbares
s'épanchèrent facilement devant un homme qu'ils
regardaient presque comme un compatriote. Ils peignent sous
les plus tristes couleurs la misère de leurs villages,
l'avarice des magistrats envoyés de Rome, le
désespoir de tout un peuple. Pour gagner davantage
leur confiance, Umbrenus parait les écouter avec un
vif intérêt : il s'afflige avec eux,
déplore l'injustice du sénat, et n'a pas de
peine à leur faire comprendre que du gouvernement
actuel ils ne doivent attendre nul adoucissement à
l'oppression dont ils gémissent. Comme ils
s'échauffaient au récit de leurs
misères, et s'écriaient que la mort seule
pouvait leur apporter la délivrance : «Si vous
étiez des hommes, leur dit-il plus bas, je vous
montrerais le moyen de sortir d'une position si
cruelle...» Aussitôt les Allobroges lui demandent
l'explication de ces paroles mystérieuses. «Aie
confiance en nous, disent-ils ; nous sonnnes prêts
à tout entreprendre : rien ne nous paraîtra
difficile ou pénible pour délivrer notre pays
des tributs qui l'écrasent». Alors Umbrenus les
mène dans la maison de Sempronia, une de ces femmes
que Catilina avait initiées depuis longtemps à
ses complots (6).
Son mari D. Brutus était alors absent de Rome. Pour
donner plus d'autorité à ses discours, Umbrenus
se fait accompagner de Gabinius, de P. Furius et de Manlius
Chilon. Là, il révèle aux
députés allobroges les desseins et les
espérances de Catilina. Il leur parle en termes
pompeux de son armée, qui se grossit tous les jours,
du nombre de ses affidés demeurés à
Rome. Il pousse l'imprudence jusqu'à nommer les chefs
des conjurés ; mais en même temps, afin de les
éblouir par de grandes renommées, il leur cite
comme ses complices les principaux personnages de la
république (7). Au dire d'Umbrenus,
César et Crassus étaient affiliés
à la conspiration ; tout ce qu'il y avait de puissant
et d'énergique à Rome s'était
réuni pour accabler un gouvernement
décrépit. En s'associant à une
entreprise dont le succès ne pouvait être
douteux, les Allobroges acquerraient des droits à la
reconnaissance des vainqueurs. Ils obtiendraient la justice
qu'ils réclamaient en vain depuis si longtemps ;
peut-être même leur complète
indépendance serait-elle le prix des services qu'on
attendait d'eux. Renforcée de leur brave cavalerie
(8), la nombreuse
infanterie de Catilina deviendrait invincible. Les
députés, étourdis de cette
révélation, et partagés entre
l'espérance et la crainte, promettent tout ce que veut
Umbrenus, et demandent seulement à être
présentés aux principaux chefs du complot, afin
d'entendre de leur bouche même les assurances qui
regardent leur patrie.
Rentrés dans leur
logement, les Allobroges se trouvèrent dans une grande
perplexité au sujet du parti qu'ils devaient prendre
maîtres d'un secret si important, ils ne surent d'abord
ce qui serait le plus utile pour eux et pour leur pays, de le
révéler au gouvernement pour s'en faire un
titre à son intérêt, ou bien de seconder
par leurs efforts une entreprise à laquelle prenait
part tout ce que Rome renfermait de personnages
considérables. Après avoir longuement
délibéré, la crainte du sénat,
qui pour les barbares représentait la toute-puissance
romaine, l'emporta sur les espérances un peu vagues
que les conjurés avaient pu leur faire concevoir
(9). Dès que
leur résolution fut arrêtée, ils
s'adressèrent à un parent du consul (10) qui avait soumis leur
pays, à Fabius Sanga, dont la famille, suivant l'usage
romain, exerçait un patronage sur toute la nation
allobroge. C'était en quelque sorte leur confident
naturel, et ils lui racontèrent tout ce que Umbrenus
venait de leur communiquer. Sans perdre un moment, Fabius les
conduisit secrètement chez le consul, où ils
répétèrent leur déposition
(11).
Cicéron
était sans doute trop bien servi par ses espions pour
que cette nouvelle révélation pût lui
apprendre quelque chose touchant les projets ou les
ressources des conjurés ; mais les nouveaux agents qui
venaient ainsi se mettre à sa disposition lui
offraient une occasion qu'il attendait depuis longtemps et
qui jusqu'alors lui avait toujours échappé.
Cicéron comprit aussitôt que les Allobroges,
chargés par Lentulus de traiter avec leurs
compatriotes, ne pourraient se présenter devant le
conseil de leur nation sans instructions écrites, et,
chose étrange, malgré sa vigilance,
malgré ses nombreux émissaires, malgré
l'or qu'il répandait, il ne possédait pas
encore une seule lettre des conjurés qui pût
devenir entre ses mains une pièce de conviction. Sans
doute Catilina avait compris le danger d'une correspondance
par lettres et l'avait expressément interdite.
Jusqu'alors, il faut le croire, les relations des
conjurés entre eux n'avaient eu lieu qu'au moyen
d'agents porteurs d'instructions verbales. En Italie, cette
manière de correspondre était possible, mais
à des barbares, ignorant les liaisons d'amitié
ou de patronage qui unissaient les Romains les uns aux
autres, il fallait apporter des témoignages plus
certains que la parole d'un affranchi ou d'un client. Il leur
fallait des lettres et des sceaux. Cicéron allait
enfin obtenir des preuves matérielles qu'on ne
pourrait récuser comme les rapports des hommes
méprisables dont il était obligé de
soudoyer les délations. Ce fut donc avec empressement
qu'il accueillit les députés allobroges ; il
loua leur fidélité à la
république, et leur prescrivit, pour en donner une
preuve complète, de se mettre en relation avec
Lentulus, de feindre d'entrer dans tous ses projets, de lui
promettre même l'assistance de leurs compatriotes, mais
surtout d'exiger de lui un engagement écrit (12).
Avec des hommes aussi
imprudents que l'étaient la plupart des
conjurés, le succès de cette manoeuvre
n'était pas douteux. Lentulus ne fit point
difficulté de voir les Allobroges, les reçut
comme des amis, et non seulement leur fit part de tous ses
plans, mais il alla même jusqu'à les entretenir
des espérances ridicules qu'il fondait sur les oracles
sibyllins. Dès la première conférence,
il n'avait plus rien qu'il pût apprendre de ses
desseins ou de son caractère à ces hommes qui
la veille lui étaient parfaitement inconnus.
Bientôt, on le conçoit, les chefs des
conjurés et leurs nouveaux complices furent d'accord.
Lentulus, Céthégus et Statilius
écrivirent au sénat et au peuple des
Allobroges, mais cependant, par un reste de prudence, ou
peut-être seulement parce qu'ils ne pouvaient ni ne
voulaient rien conclure sans avoir pris les ordres de
Catilina, ils se bornèrent à accréditer
les députés, leur donnant en quelque sorte des
pleins pouvoirs, sans enter dans aucune explication au sujet
des négociations qu'ils devaient poursuivre. Toute
cette transaction devait se faire de vive voix, par
l'entremise des députés et d'un certain
Volturcius de Crotone, chargé de les accompagner, et
de représenter ses commettants parmi les barbares.
Cette précaution, que l'on ne devait peut-être
pas attendre de gens tels que Lentulus et ses complices,
était au reste à peu près inutile. En
effet, d'après les lois cornéliennes, pour
constituer le crime capital de lèse-majesté de
la république, il suffisait de traiter avec une nation
étrangère sans l'autorisation du sénat
(13). Des
dépêches semblables avaient été
déjà remises à Cassius, qui, parti de
Rome peu de jours auparavant, promettait de rejoindre en
chemin les députés allobroges. Avant de passer
les Alpes, ceux-ci devaient se détourner de leur route
pour conférer avec Catilina, et en recevoir un serment
solennel, confirmant le traité d'alliance avec leur
nation. Cette cérémonie accomplie, ils seraient
allés avec leurs guides presser l'arrivée des
secours attendus. Lentulus cependant écrivit à
Catilina une lettre conçue en termes
mystérieux, et, la confiant à Volturcius, il le
chargea de l'expliquer et de rendre compte verbalement de la
situation des affaires à Rome. Les lettres furent
écrites et les dernières instructions
données dans la maison de Lentulus, la nuit du 4 au 3
des ides de décembre. Quelques heures avant le jour,
Volturcius et les Allobroges le quittèrent et se
mirent immédiatement en route (14).
Cependant Cicéron,
bien instruit à l'avance, avait tout disposé
pour les arrêter à leur sortie de Rome ;
d'accord peut-être avec les envoyés, honteux de
leur métier d'espions, ou plutôt, sans doute,
répugnant lui-même à montrer publiquement
de quels moyens il se servait, il voulut que les Allobroges,
aussi bien que Volturcius, fussent traités en
prisonniers, et il annonça que ce serait en
présence du sénat seulement qu'il
communiquerait avec eux. Par son ordre, deux préteurs,
L. Valérius Flaccus et C. Pomptinus, avec une troupe
choisie parmi ces Réatins, qui depuis plusieurs jours
lui servaient partout de gardes du corps, s'embusquent bien
armés, dès l'entrée de la nuit, aux deux
extrémités du pont Milvius que traverse la
route d'Etrurie. A l'exception des préteurs, dont le
consul était sûr, pas un homme dans ce
détachement ne savait à quel service il
était destiné. Vers la troisième veille,
paraissent les Allobroges et Volturcius. On les laisse
s'engager sur le pont, puis on donne le signal ; en un
instant ils sont entourés. Devant et derrière
des soldats, à droite et à gauche le Tibre ;
les préteurs se nomment. D'abord Volturcius met
l'épée à la main et crie à ses
compagnons de s'ouvrir le passage par la force ; mais les
voyant rendre leurs armes, il comprend que la
résistance est inutile. Il s'adresse alors à
Pomptinus, qu'il connaissait personnellement, et le supplie
de le sauver au nom de leur ancienne amitié. Les
préteurs le désarment, s'emparent de ses
lettres et ramènent promptement leurs prisonniers
à Rome (15).
Le jour allait
paraître (16) lorsque
Cicéron apprit, par un courrier détaché
en avant, que ses ordres avaient été
ponctuellement exécutés ; aussitôt il
mande auprès de lui les principaux chefs des
conjurés, dont aucun ne pouvait connaître encore
l'arrestation de leurs émissaires sur le pont Milvius.
Gabinius se rendit sur-le-champ auprès du consul,
bientôt suivi de Céthégus et de
Statilius. Lentulus vint lé dernier; paresseux de son
naturel et fatigué de la conférence, qui avait
duré une partie de la nuit, il dormait
profondément lorsque les licteurs du consul se
présentèrent à sa porte. Malgré
la surprise et l'inquiétude qu'un message de
Cicéron à pareille heure devait causer à
quatre hommes engagés dans une entreprise si
téméraire, aucun ne fit difficulté
d'obéir (17). Céparius,
également mandé, mais averti à temps du
danger, sans doute par quelque ami secret, sortit de Rorne
aussitôt ; il fut arrêté le jour suivant
dans la campagne (18). Plus heureux,
Umbreuus et Manlius Cliilon par-vinrent à se
soustraire aux poursuites (19).
Au point du jour (20) le préteur C.
Sulpicius fouillait la maison de Céthégus et y
découvrait un amas considérable
d'épées et de poignards. Plutarque rapporte
qu'on y avait caché des torches et des projectiles
incendiaires (21)
; mais le silence de Cicéron sur un point si important
donne lieu de croire le fait controuvé.
Le consul était
entouré d'une garde nombreuse, de tous les magistrats
et d'une foule de sénateurs, lorsqu'il déclara
aux conjurés qu'ils étaient ses prisonniers.
D'ailleurs il ne leur adressa pas une question, et ne voulut
ni ouvrir ni recevoir les lettres saisies au pont Milvius. Il
affecta même de ne pas les toucher, et d'en confier le
dépôt au préteur Valérius (22). Ce n'était
que dans la curie, et devant tout le sénat
assemblé, qu'il avait résolu de commencer
l'instruction.
Cependant des licteurs
couraient par toute la ville et convoquaient les
sénateurs dans le temple de la Concorde, monument de
la victoire sanglante du consul Opimius sur la faction
populaire (23). Au
point du jour, Cicéron, tenant Lentulus par la main,
le conduisit lui-même dans le temple, voulant
témoigner par cette démonstration qu'au seul
consul appartenait d'exercer une contrainte à
l'égard d'un préteur (24). L'assemblée
était nombreuse ; l'appareil militaire qui entourait
le lieu de réunion, la contenance de son
président, annonçaient que jamais affaire plus
grave n'avait été soumise à ses
délibérations.
M. Messala,
préteur, Cosconius, Nigidius Figulus et Appius
Ciaudius, ainsi que quelques autres sénateurs,
étaient chargés par le consul d'écrire
l'interrogatoire qui allait avoir lieu, au moyen de
caractères abrégés, espèce de
sténographie en usage dès cette époque
(25).
Cicéron prévoyait que ses actes pourraient
être incriminés quelque jour, et se
préparait ainsi un moyen de défense dans
l'occasion, d'autant plus sûr, qu'il se
réservait pour lui seul ces espèces de
procès-verbaux, dont il eut soin d'ailleurs de
répandre plus tard de nombreux extraits à Rome
et dans les provinces (26).
Le sénat réuni, le consul exposa eu peu de mots
le motif de la convocation. Il rendit compte des arrestations
opérées la nuit précédente au
pont Milvius et dans l'intérieur de la ville ; puis il
ordonna d'introduire Volturcius.
Interrogé sur son
voyage, sur les lettres dont il était porteur, enfin
sur ses instructions et ses projets, Volturcius ne
répondit d'abord que par de vaines défaites.
Bientôt, pressé de questions, effrayé par
les menaces du consul, après avoir
épuisé tous les subterfuges, il demanda que la
foi publique, c'est-à-dire une promesse de
pardon, lui fût donnée solennellement. A cette
condition il s'engageait à tout révéler
(27).
Rassuré sur ce point par la parole du consul, il avoua
qu'il était envoyé vers Catilina par Lentulus,
et qu'il avait mission de l'engager à marcher au plus
tôt sur Rome, où son mouvement allait être
secondé ; qu'en attendant ses amis l'exhortaient
à ne rien négliger pour enrôler de
nouveaux soldats, et pour répandre partout le feu de
l'insurrection. Quant aux conjurés à Rome,
Volturcius déclara, qu'affilié au complot
depuis fort peu de temps, par Gabinius et Céparius, il
ne connaissait que ceux qu'ils lui avaient
désignés, et il nomma sur leur rapport
Autronius, Servius Sylla et Varguntéius (28) ; ces derniers
même sans les charger d'une manière positive,
car aucun d'eux ne fut décrété
d'accusation, du moins pour le moment.
A Volturcius
succédèrent les Allobroges, dont la
déposition fut la même à peu près.
Puis on introduisit Céthégus. Il paraissait
n'avoir rien perdu de son audace habituelle, et
répondit aux premières questions qui lui furent
adressées avec une insolence qui excita des murmures.
Au sujet de cette quantité d'épées et de
poignards trouvés dans sa maison, il donna cette
défaite que c'était chez lui une manie
d'amateur et que toute sa vie il avait été
curieux de faire collection de bonnes armes (29). Ou le vit
pâlir cependant lorsque le consul lui fit
représenter la lettre qu'il avait adressée au
sénat et au peuple des Allobroges. Il fut contraint de
reconnaître le sceau et l'écriture, et son
assurance l'abandonna tout à fait lorsqu'on en vint
à une lecture publique. Dans cette lettre,
Céthégus se portait caution d'engagements
déjà pris à Rome avec les
envoyés, et conjurait ses nouveaux alliés
d'agir avec vigueur, conformément aux instructions qui
leur seraient communiquées verbalement (30).
Statilius comparut ensuite, reconnut son sceau et son
écriture, et ne montra pas moins d'abattement que
Céthégus à la lecture de sa lettre, de
tous points semblable à la
précédente.
Après Statilius,
Lentulus fut introduit ; Cicéron lui représenta
une lettre encore cachetée et enveloppée des
bandes de lin sur lesquelles on appliquait le sceau (31). «Est-ce
là ton sceau ?» lui demanda-t-il. Lentulus,
troublé, répondit par un signe de tête
qu'il le reconnaissait. «J'y vois, poursuivit le
consul, le portrait de ton grand-père (32), d'un bon et illustre
citoyen, qui aima toujours uniquement sa patrie. Toute muette
qu'elle est, cette image vénérable aurait
dû te détourner d'un si grand forfait».
Puis il ouvrit la lettre, adressée, ainsi que les
précédentes, au sénat et au peuple des
Allobroges. D'ailleurs également laconique, son auteur
se bornait à demander créance pour les
communications que les députés feraient de sa
part et de celle de ses amis. Le consul, poursuivant son
interrogatoire, ordonna à Lentulus de parler et
d'expliquer sa conduite. Un moment celui-ci garda le silence.
Bientôt, conservant encore quelque espoir dans la
fidélité de Volturcius et des Allobroges, il se
leva avec impétuosité, et demanda
fièrement ce qu'il y avait de commun entre lui et ces
barbares. Il les somma même, ainsi que Volturcius, de
déclarer ce qu'ils étaient venus faire dans sa
maison, protestant n'avoir eu avec de telles gens que des
relations innocentes, comme en pouvait avoir un magistrat
sans cesse entouré de solliciteurs. Les Allobroges
répondirent en peu de mots et avec fermeté. Ils
dirent combien de fois ils étaient venus chez
Lentulus, et quel avait été leur introducteur
auprès de lui. Ils rapportèrent jusqu'aux
termes dont il s'était servi dans ces
conférences, et, l'interpellant à leur tour,
ils lui demandèrent s'il avait si tôt
oublié les oracles sibyllins. A ce mot, Lentulus,
perdant toute contenance, se laissa retomber sur son
siège comme anéanti ; et sans essayer un effort
pour les démentir ou pour interpréter leur
déposition, il convint, à l'étonnement
général, que les Allobroges disaient vrai
(33). Alors
Volturçius demanda que l'on produisit la lettre dont
il avait été chargé pour Catilina.
Lentulus, de plus en plus accablé, reconnut encore le
sceau et l'écriture (34), oubliant dans son
désordre que cette lettre ne portait aucune
suscription, et que par conséquent il pouvait nier
qu'elle fût écrite à Catilina. Il en
écouta la lecture en silence, pâle, les yeux
attachés sur la terre, ou, s'il les tournait vers ses
complices c'était avec une expression de confusion et
de désespoir qui trahissait son crime encore plus que
les dépositions de ses accusateurs.
Il avait écrit :
«Par celui que je t'envoie, tu sauras qui je suis
(35). Sois homme,
et songe où tu es. Pense à ce qui t'est
nécessaire aujourd'hui. Accepte les secours de tous,
même des derniers». Les termes obscurs de cette
dépêche s'expliquaient par les instructions
données à Volturcius, et l'on doit se soutenir
que Catilina et Lentulus avaient toujours été
divisés au sujet de l'insurrection des esclaves. Le
dernier regardait leur assis-tance comme indispensable dans
la nécessité où se trouvaient leurs
affaires, et conseillait à Catilina de les appeler
à la liberté.
Lentulus passait pour
avoir de l'éloquence, ou plutôt une certaine
facilité d'élocution, soutenue par un air de
hauteur et d'audace, lui avait acquis dans le sénat
une réputation d'orateur (36). Il la soutint mal
cette fois. Pas un mot de justification ne sortit de sa
bouche ; pas un effort pour se défendre ou pour jeter
dans l'assemblée quelques doutes sur la
véracité des témoins produits par le
consul. Son silence et son inexprimable abattement
passèrent pour un aveu auprès du sénat,
et firent ajouter foi à tout ce que racontèrent
les dénonciateurs touchant ses projets et ses
complices. Gabinius, conduit le dernier dans la curie, fut
encore confronté avec les Allobroges et Volturcius.
Après quelques dénégations impudentes,
il faillit comme les autres, et n'essaya plus de nier rien de
ce que les témoins avaient avancé (37). Tous les
accusés d'ailleurs, s'enfermant dans un silence
obstiné quant à leurs projets,
confirmèrent seulement par leurs aveux, et
plutôt peut-être par leur silence et leur
confusion, leurs relations avec Catilina et les Allobroges.
Aucun ne nomma ses complices. Sur ce point d'ailleurs, le
consul, qui dirigeait l'interrogatoire, ne les pressa point
de questions, se bornant, comme il semblait, à vouloir
prouver deux faits jusqu'à l'évidence, à
savoir qu'ils avaient tenté de traiter sans
autorisation avec une nation étrangère, et
qu'ils correspondaient avec un homme en état
d'hostilité ouverte contre la république. Ces
deux points étaient hors de doute, et leurs lettres,
leurs sceaux, étaient des témoignages sans
réplique. Outre les quatre prisonniers, les
révélateurs n'avaient chargé
formellement que cinq autres conjurés, gens obscurs,
tous hors de Rome et en fuite depuis les arrestations du pont
Milvius. C'étaient P. Furius, Q. Manlius Chilon et P.
Umbrenus, tous les trois ayant servi d'intermédiaires
entre Lentulus et les Allobroges ; puis L. Cassius,
chargé, disait-on, d'incendier plusieurs quartiers de
Rome ; enfin M. Céparius, lequel, suivant les
mêmes rapports, aurait eu mission de se rendre en
Apulie pour soulever les esclaves attachés à la
garde des troupeaux (38).
L'interrogatoire
terminé, la délibération s'ouvrit sur la
manière de procéder à l'égard des
quatre accusés présents et des cinq contumaces.
Au sujet des autres chefs, soit réels, soit
supposés, nul en ce moment n'ouvrit la bouche ; car le
sénat, encore dans la stupéfaction où
l'avait plongé la découverte du complot, se
laissait diriger par le consul, dont la politique constante
était de réduire autant que possible le nombre
des coupables et de ne pas en reconnaître dans un rang
trop élevé. Chaque sénateur, quel que
fût le parti politique auquel il appartînt,
témoignait à l'envi son horreur pour les
conjurés, et L. César, le propre
beau-frère de Lentulus, s'écria avant
même que les prisonniers eussent été
emmenés hors de la curie : «Ma famille a
été décimée par nos discordes
civiles ; Fulvius, mon grand-père, et son fils encore
enfant revêtu du caractère sacré de
héraut, ont été mis à mort sans
forme de procès par l'ordre d'un consul ; personne
moins que moi n'approuve ces terribles exemples ; mais je
n'hésite point à le déclarer, Lentulus
doit payer de sa tête son crime exécrable
(39)».
Pourtant on ne
délibéra point encore sur le sort des
conjurés et les premières résolutions
furent pour rendre grâce à Cicéron
d'avoir, par son courage et sa vigilance, sauvé la
république du plus grand péril. Des
remercîments furent également votés par
acclamation aux préteurs Valérius et Pomptinus,
pour avoir secondé le consul ; enfin, mais en
troisième lieu, l'on arrêta que des
félicitations seraient adressées au consul C.
Antonius pour avoir écarté de ses conseils et
de ceux de la république les hommes qui avaient pris
part à la conjuration (40). Aux termes un peu
embarrassés de cette formule, qui rappelait l'ancienne
coalition d'Antonius et de Catilina dans les comices
consulaires de l'année précédente, on
croit reconnaître la rédaction de Cicéron
lui-même ; il voulait donner à son
collègue un avertissement plutôt qu'un
éloge ; car personne ne pouvait prendre au
sérieux cette manifeste contre-vérité
qu'Antonius, devenu consul, avait rompu toute relation avec
les complices de Catilina.
Puis on ordonna la
détention des neuf conjurés, accusés
d'attentat contre la république ; et l'on
décréta que Lentulus abdiquerait la
préture séance tenante, après quoi il
serait constitué prisonnier entre les mains d'un
sénateur ; que ses trois complices présents
seraient pareillement remis à la garde de magistrats
désignés par le consul, ainsi que les cinq
contumaces, si l'on parvenait à se rendre maître
de leurs personnes ; enfin que de solennelles actions de
grâces seraient adressées aux dieux immortels
avec une formule mentionnant le nom du consul, et le service
qu'il venait de rendre à l'empire, honneur
réservé jusqu'alors aux généraux
qui avaient remporté des victoires décisives.
Cette formule, d'ailleurs si flatteuse pour Cicéron,
préjugeait en quelque sorte le sort des
conjurés. En effet, on devait remercier les dieux
d'avoir inspiré le consul, qui avait
préservé Rome de l'incendie, les citoyens des
massacres, l'Italie de la guerre (41).
Toutes ces
décisions, adoptées immédiatement
après l'interrogatoire des accusés, ne furent
point cependant l'objet d'un sénatus-consulte ; mais
elles furent produites et rédigées comme une
résolution du sénat (42), formule modeste
suggérée sans doute par Cicéron
lui-même, habile à éviter en ce moment
toute lutte avec l'opposition. Plus que jamais il sentait le
besoin d'obtenir une forte majorité, et sa politique,
nous l'avons remarqué souvent, était de marcher
pas à pas, tournant les obstacles au lieu de les
renverser.
Toujours plongé
dans un abattement stupide, Lentulus, sur l'ordre du
sénat, abdiqua la préture qu'il tenait du
peuple, au lieu d'élever des difficultés qui
eussent peut-être embarrassé ou divisé
ses juges. Ensuite le consul désigna les
sénateurs à qui les accusés seraient
remis. Par une affectation de modération et de
douceur, il confia Lentulus à la garde de
l'édile Lentulus Spinther, son parent. Il fit plus ;
il voulut donner aux chefs de l'opposition une haute marque
de confiance, et sans tenir compte des
révélations secrètes par lesquelles on
avait essayé de le prévenir contre eux, il
chargea C. César de garder Statilius, et donna la
maison de Crassus pour prison à Gabinius.
C'était un trait d'habile politique que de rassurer
les deux hommes les plus considérables parmi ses
adversaires, et de les compromettre ainsi aux yeux du reste
des conspirateurs. Céthégus fut confié
à Q. Cornificius, et Céparius, qui fut
arrêté plus tard, à Cn. Térentius
(43).
Le jour tirait à sa
fin lorsque l'assemblée se sépara. A peine le
consul l'eut-il congédiée avec la formule
ordinaire : «Nous ne vous retenons plus, pères
conscrits (44)», qu'il
descendit au Forum, rempli d'une foule inquiète,
encore imparfaitement instruite des événements
de la nuit précédente. Malgré l'heure
avancée et l'approche de la nuit, il voulut haranguer
le peuple et lui rendre un compte détaillé de
la séance qui venait de finir, de même que
quelques jours auparavant il l'avait informé de la
situation des affaires aussitôt après le
départ de Catilina. Il est impossible de ne pas
admirer l'éloquence et l'habileté politique de
ce discours (45),
quoique la critique moderne puisse souvent y reprendre la
vanité trop naïve de l'orateur. Mais cette
vanité même, il la tourne à son avantage
; car en se louant lui-même devant le peuple, il semble
se présenter à lui comme l'élu de son
choix, et lui rapporter toute la gloire qu'il doit à
ses suffrages.
Après un tableau
animé des horreurs que méditaient les
conjurés, l'orateur raconte leur arrestation, leur
interrogatoire, la délibération du
sénat. Il se hâte d'ajouter, mais comme en
passant, qu'on n'a point rédigé de
sénatus-consulte, et cependant il insinue qu'on en
doit attendre un sur cette importante affaire(46). Il tâte ses
auditeurs, pour ainsi dire, et cherche à deviner tout
ce qu'il pourra oser plus tard. Pour rassurer la multitude,
il ne manque pas de faire remarquer le petit nombre des
accusés. «Ce ne sont pas tous les coupables,
sans doute, dit-il ; mais la punition de neuf
misérables couverts d'ignominie, et
détestés par tout le monde, suffira pour sauver
la république, satisfaire aux lois, et guérir
les insensés qu'ils ont entraînés dans le
crime (47)».
En rendant compte de l'abdication de Lentulus, il loue le
scrupule du sénat à croire cette
formalité nécessaire à l'égard
d'un homme à qui l'on pourrait contester même le
titre de citoyen, et il ajoute ce trait qui s'adresse
à la faction démocratique : «Le grand
Marius ne s'arrêta pas devant une considération
semblable ; il fit tuer C. Servilius Glaucia, tout
préteur qu'il était, et quoique, dans le
sénatus-consulte lancé contre les rebelles,
Servilius ne fût point nominativement mis hors la loi
(48)».
Si le consul loue la justice expéditive de Marius, il
évite toutefois avec grand soin de s'expliquer sur le
sort qu'il réserve aux conspirateurs ; il ne se sert
jamais que du terme vague de châtiment,
répétant avec une sorte d'affectation qu'il ne
veut pas chercher d'autres coupables.
Le style de l'orateur est
calculé pour la foule à laquelle il s'adresse ;
il raille les conjurés en termes burlesques, sachant
bien que s'il fait rire à leurs dépens, il n'a
plus à craindre que la pitié de son auditoire
ne désarme la justice. «Quelles gens !
s'écrie-t-il, pour troubler la république !
Lentulus, un dormeur éternel ; Céthégus,
un fou déchaîné ; Cassius, une masse de
graisse (49). Un
seul homme était à redouter, mais seulement
tant qu'il demeurerait dans ces murs. Il savait tout ; il n'y
avait personne chez qui il ne sût s'introduire : tenter
les uns, séduire les autres, les entraîner,
voilà ce qu'il pouvait faire, voilà ce qu'il
osait. Il avait l'intelligence du crime, et à cette
intelligence, ni la langue, ni la main ne faisaient faute. 11
savait bien choisir ses agents ; mais pour avoir donné
un ordre, il ne le croyait pas exécuté.
Lui-même surveillait tout, se chargeait de tout,
prenait tout sur lui ; il était infatigable : ni le
froid, ni la soif, ni la faim ne pouvaient l'abattre. Mais ce
Catilina si énergique dans le crime, si hardi, si
rusé, si fécond en ressources
désespérées, je l'ai chassé de
son embuscade, au milieu de Rome, pour en faire un voleur de
grand chemin. Dès lors j'ai eu bon marché des
misérables ses complices (50)».
L'orateur n'oublie rien
pour frapper la multitude grossière qui l'entoure. Il
rappelle les prodiges qui, depuis quelques années, ont
menacé la ville ; car devant le peuple, le sceptique
Cicéron est devenu dévot. «Des
météores effrayants dans le ciel, la statue de
Jupiter, très bon, très grand, renversée
par la foudre ; des tables d'airain, où des lois
étaient gravées, fondues par le feu
céleste, qui frappa encore l'image de Romulus enfant,
sous les mamelles de sa louve de bronze ; tous ces
présages funestes ont été
conjurés. On a pris soin de consulter les plus savants
aruspices de toute l'Etrurie ; ils annonçaient des
massacres, des incendies, la destruction des lois, la perte
de la ville et de l'empire si l'on n'apaisait le courroux des
dieux. Vous savez comment, d'après les instructions de
ces devins, on a célébré des jeux
pendant dix jours ; et, ce qu'ils avaient recommandé
surtout, on a fait fondre une statue de Jupiter beaucoup plus
grande que la première ; on l'a placée dans un
lieu élevé ; on l'a tournée en sens
contraire de la position qu'elle avait autrefois. Maintenant
elle regarde l'Orient, la curie, le forum ; car de la sorte,
disaient les aruspices, on peut espérer que les
desseins néfastes des ennemis de la république
n'échapperont point au sénat ni au peuple.
Cette statue, Romains, devait être consacrée
dans le lieu où vous la voyez, par les consuls
précédents ; mais l'ouvrage a duré si
longtemps, que ce bronze n'a pu être consacré
que par moi, et seulement hier ! Quel esprit assez
incrédule pour ne pas voir que, dès hier,
Jupiter très bon, très grand, nous a rendu sa
protection (51)
?»
Pour une populace
entêtée de ses grossières superstitions,
cette coïncidence entre la découverte de la
conjuration et la dédicace de la statue
retournée était un argument victorieux et qui
n'admettait point de réplique. De bruyantes
acclamations accueillirent la péroraison du consul, et
la multitude le reconduisit aux flambeaux, comme un
triomphateur, jusque chez un de ses amis, où il se
rendait pour passer la nuit. Dans sa maison, cette nuit
même, les dames romaines célébraient les
mystères de la Bonne Déesse, et l'on sait
qu'aucun homme ne pouvait demeurer dans l'enceinte
désignée pour les cérémonies
nocturnes dont les femmes seules avaient connaissance
(52). On ne
s'étonnera pas que, dans la maison du consul, en
présence des vestales, dont une était sa
belle-soeur (53),
un nouveau prodige vînt attester le retour de la faveur
céleste. Après le sacrifice, le feu semblait
éteint, lorsque des cendres on vit s'élever
tout à coup une flamme brillante. Aussitôt les
vestales annoncèrent à Térentia, la
femme de Cicéron, que son mari pouvait poursuivre ses
desseins en assurance ; car ils étaient
approuvés par la déesse, qui lui donnait cette
lumière surnaturelle pour son salut et sa gloire.
Térentia se hâta de porter cet oracle à
Cicéron. C'était une femme ambitieuse, hardie,
et qui abandonnait volontiers les soins domestiques pour
s'immiscer dans les affaires d'Etat (54). Mais pour embrasser
une résolution énergique, Cicéron
n'avait pas besoin des exhortations de sa femme ni des
augures de la Bonne Déesse ; son plan avait
été mûri longuement. Il avait tendu le
piège, pouvait-il délibérer lorsque ses
ennemis étaient en son pouvoir ?
Tandis que, entouré
d'un petit nombre de ses confidents, parmi lesquels on cite
son frère Quintus et P. Nigidius (55), il se
préparait à la séance du lendemain, la
ville était en proie à une vive agitation.
Chacun commentait à sa manière le discours du
consul. Ces projets de massacre, d'incendie, qu'il venait de
révéler au peuple, étaient-ils
réellement déjoués par l'arrestation de
quatre ou cinq personnes ? Connaissait-on tous les coupables
? La rigueur avec laquelle le sénat traitait Lentulus,
un des premiers magistrats de la république,
n'allait-elle pas exciter une tempête plus terrible que
la conjuration même qu'on prétendait punir ? De
maison en maison circulaient les nouvelles les plus
alarmantes : tantôt c'était Catilina marchant
sur Rome avec une armée formidable ; tantôt la
guerre sociale prête à se rallumer ; enfin, de
toutes les rumeurs, la plus effrayante pour les Romains, une
insurrection d'esclaves en Italie et dans la ville
même.
Un tel danger d'ailleurs
n'était pas dénué de fondement ; tous
les conjurés n'avaient point perdu l'espoir. De la
maison où il était détenu,
Céthégus était parvenu à
dépêcher un émissaire chargé de
rassembler ses affranchis, ses clients, sa famille, de leur
faire prendre les armes et tenter un coup de main pour
l'enlever. Ces hommes, choisis et dressés par
Céthégus, aussi hardis que leur maître
(56), paraissaient
résolus à tout oser pour sa délivrance.
D'autres conjurés, courant les tavernes, haranguaient
les artisans et les esclaves, les exhortant à ne pas
abandonner les victimes marquées par le consul.
Quelques-uns enfin, plus prudents, s'adressaient aux tribuns
et aux chefs de la populace, et cherchaient à les
intéresser par l'appât d'une riche
récompense (57).
D'un autre
côté, les principaux personnages politiques,
réunis par groupes suivant leurs opinions,
s'entretenaient moins de l'événement du jour
que de ses conséquences pour l'avenir de leurs partis.
Les uns voyaient dans la découverte de la conjuration
et dans la punition des coupables l'accroissement du pouvoir
oligarchique; les autres pensaient, au contraire, que jamais
le sénat ne s'était trouvé dans une
situation plus cri-tique, et que, soit qu'il usât de
rigueur, soit qu'il se montrât indulgent , son
autorité devait nécessairement s'affaiblir
après une si violente secousse. Plusieurs, observant
l'ignorance générale au sujet des plans des
conjurés, leur secret à la merci de quelques
hommes obscurs, songeaient à compromettre leurs
rivaux, et à satisfaire leurs inimitiés
personnelles sous une ombre de zèle pour la
république. Q. Catulus et L. Calpurnius Pison avaient
voué l'un et l'autre une haine mortelle à
César : le premier, parce que, lors de
l'élection du grand pontife, il avait vu
naguère humilier ses cheveux blancs et ses hautes
dignités par l'ascendant irrésistible de son
jeune rival ; le second, poursuivi criminellement par
César pour avoir fait mourir injustement un Gaulois
des provinces transpadanes, venait à peine
d'échapper à une condamnation
flétrissante (58). Pleins d'espoir
croyant l'heure de la vengeance arrivée, tous les deux
obsédaient le consul pour obtenir de lui qu'il leur
sacrifiât leur ennemi. Un mot de Cicéron pouvait
dicter les réponses des Allobroges ou de ces nombreux
espions qu'il tenait pour ainsi dire dans sa main. Il avait
lui-même plus d'un grief contre le chef de la faction
populaire. Mais s'attaquer à un adversaire si
redoutable, c'était remettre en question la victoire
qu'il voyait près de couronner sa longue patience. Sa
générosité d'ailleurs, j'aime à
le croire, s'indigna de la bassesse de cette vengeance, et
surtout de l'impudence de ces vieillards ambitieux qui
venaient lui marchander la tête de leur ennemi (59). Cicéron
résista à leurs prières, à leurs
offres, à leurs importunités. Il prit soin de
rendre ses témoins inaccessibles à de pareilles
sollicitations. Cependant Catulus et Pison, après
avoir épuisé tous les moyens de
séduction auprès du consul, essayèrent
de se passer de son assistance. Il suffisait qu'ils eussent
paru dans ses conseils, qu'ils eussent approché de
Volturcius et des Allobroges, pour qu'ils se
prétendissent et qu'on les crut instruits des secrets
d'un interrogatoire particulier. Les dettes énormes de
César, ses relations, son ambition
effrénée rendaient la cire lomnie probable, et
elle fut avidement accueillie par la foule de ses envieux.
(60).
Crassus, de son côté, fut également en
butte à de pareilles intrigues, et peut-être le
consul ne les repoussa-t-il pas avec la même
énergie. Crassus, puissant dans le sénat, ne
pouvait point, comme César, soulever les masses au
gré de son ambition. Ennemi moins dangereux,
c'était un rival plus irritant pour un homme qui le
rencontrait sans cesse sur le terrain où il voulait
dominer en maître. On peut encore remarquer que, bien
que César et Crassus se fussent ligués pour
empêcher Cicéron d'obtenir le consulat, il
n'avait point gardé le même ressentiment contre
ces deux adversaires. Représentant de l'aristocratie,
Crassus avait cruellement blessé l'orgueil du parvenu,
en lui reprochant l'obscurité de son origine, tandis
que César, chef du parti populaire, avait
ménagé l'élu du peuple tout en attaquant
sa politique. Il serait injuste cependant de rendre
Cicéron responsable des calomnies répandues
contre Crassus ; tout ce qu'on peut blâmer dans sa
conduite, c'est de l'avoir laissé accuser en sa
présence par de méprisables
dénonciateurs.
Le sénat se
rassembla de nouveau la veille des nones de décembre,
dans le temple de la Concorde, pour continuer l'enquête
suspendue dans la séance précédente.
Dans l'intervalle, beaucoup de nouvelles dépositions
avaient été adressées au consul.
Quelques sénateurs, suspects par leurs relations avec
les conjurés, s'étaient empressés de lui
communiquer non seulement les renseignements qui leur
étaient personnels, mais encore, pour faire preuve de
zèle, ils étaient venus lui porter jusqu'aux
bruits de ville qu'ils avaient pu recueillir. Chacun avait
fait ses offres de services ; César lui-même
s'était mis à la disposition du consul. Au
commencement de la séance, C. Calpurnius Pison, et D.
Silanus, consul désigné, rapportèrent
qu'ils avaient appris d'un homme, qui disait le tenir de
Céthégus, que les conjurés avaient
projeté d'assassiner Cicéron, les deux consuls
désignés et quatre des préteurs (61). On cita encore
d'autres magistrats et même de simples sénateurs
désignés aux poignards, mais toutes ces
dépositions ne se fondaient que sur des ouï-dire,
et personne ne produisait ses témoins. Au surplus,
l'exagération de ces rapports ne fut point
relevée. Les chefs des différents partis
hostiles au gouvernement sentaient la difficulté de
leur position. Suspects eux-mêmes, ils trouvaient une
espèce de justification dans l'horreur des crimes
imputés à Lentulus et à ses
complices.
Une nouvelle capture
faisait espérer des révélations
importantes. On venait d'arrêter sur la route d'Etrurie
un certain L. Tarquinius, qui se rendait, disait-on, au camp
de Catilina avec une mission secrète. Introduit dans
le sénat, cet homme fit aussitôt de faire des
aveux, si on lui promettait l'immunité. Au nom du
sénat, le consul lui en donna l'assurance. D'abord,
Tarquinius raconta les projets des conjurés et
confirma les bruits de massacres et d'incendie qui depuis la
veille étient dans toutes les bouches. Puis, il ajouta
qu'il était chargé de presser Catilina de voler
au secours de ses amis prisonniers, et ce message, il le
tenait, disait-il, de Crassus. A ce nom, un cri d'indignation
s'éleva dans l'assemblée. Le témoin en
imposait, il fallait lui retirer le bénéfice de
la foi publique qu'on venait de lui promettre. Le
sénat, sans vouloir en entendre davantage, vota par
acclamation que la déposition de Tarquinius paraissait
fausse et calomnieuse, et cette expressiou dubitative ne
pouvait être prise pour un reste de soupçon
contre Crassus, car dans la curie c'était une formule
consacrée (62). Au milieu du
tumulte, les amis de Crassus n'avaient point eu le temps de
prendre la parole pour le justifier. Quelques-uns
expliquaient le mensonge du témoin en supposant que,
client d'Autronius, il était aposté par lui
pour jeter un nom illustre parmi ceux des accusés,
dans l'espoir que les sénateurs, dont un grand nombre
avaient des obligations pécuniaires à Crassus,
useraient d'indulgence à l'égard de ceux qu'ils
regarderaient comme ses complices. Probablement, en effet,
Tarquinius n'était qu'un agent des conjurés, et
la ruse qu'on leur attribuait avait quelque chance de
réussite auprès d'un gouvernement faible, qui
jusqu'alors n'avait trouvé de l'audace que contre des
coupables obscurs. Quoi qu'il en soit, Crassus crut ou
feignit de croire, que le témoin n'avait parlé
qu'à l'instigation du consul, et depuis ce temps il
lui voua une haine acharnée (63).
Quant à Tarquinius,
il fut sur-le-champ chassé du sénat et
jeté dans la prison publique, où il devait
être détenu jusqu'à ce qu'il eût
fait connaître le véritable auteur de son
imposture (64). Ce
qu'il devint, on l'ignore ; le sort de la plupart des
témoins ou des accusés subalternes qui
figurèrent dans ce grand procès n'a
laissé aucun souvenir.
Le reste de la
séance fut employé à voter des
récompenses à Volturcius et aux
députés allobroges (65). On ne doit pas
négliger de remarquer que ces hommes, si
préoccupés en apparence de la situation de leur
pays, naguère prêts à tout oser pour le
délivrer de la tyrannie sous laquelle il
gémissait, ne stipulèrent pour prix de leurs
révélations aucun adoucissement aux tributs
énormes contre lesquels ils venaient réclamer.
La récompense qu'ils obtinrent fut celle que l'on
réservait aux délateurs, et probablement celle
que promettait le sénatus-consulte du mois
précédent. Si l'on fait attention que ces
projets exécrables de meurtres et d'incendie
attribués aux conjurés ne furent prouvés
ou du moins publiquement connus que par le témoignage
de ces barbares, la bassesse des dénonciateurs peut
nous inspirer aujourd'hui quelques doutes sur leur
sincérité, bien qu'à cette époque
elle ait été admise unanimement par l'opinion
publique, et depuis confirmée par le témoignage
de tous les historiens.
|
(1) Sall.,
Cat., 43.
|
|
(2) Le but
de cette disposition était de donner aux
magistrats défenseurs des droits du peuple le
moyen de veiller à ce que l'installation des
consuls du lieu dans les formes légales.
|
|
(3) Sall.,
Cat., 43.
|
|
(4) Simul
caede et incendio perculsis omnibus, erumperent ad
Catilinam (Sall.,
Cat., 43.
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|
(5) Sub
dextra hujus a Comitio locus substructus, ubi nationum
subsisterent legati qui ad senatum essent missi. Is
Graecostasis appellatur a parte ut multa (Varr.,
L.L., V, 155).
|
|
(6) Sall.,
Cat., 40.
|
|
(7) Praeterea
multos cujusque generis innoxios, quo legatis animus
amplior esset (Sall.,
Cat., 40).
|
|
(8) Ut
equitatum quam primum in Italiam mitterent ; pedestres
sibi copias non defuturas (Cic.,
Cat., III, 4). - On est
étonné de voir un peuple montagnard
renommé pour sa cavalerie.
|
|
(9) Il est
possible que les Allobroges aient été
déterminés à trahir les
conjurés par l'arrivée des nouvelles
annonçant la répression des tentatives
insurrectionnelles dans la Cisalpine et le
Picénum. Au reste, la date de ces mouvements est
fort incertaine.
|
|
(10) Q.
Fabius Maximus, surnommé à cette occasion
Allobrogicus, consul en 633 (Plin., H.N., VII,
50).
|
|
(11) Sall.,
Cat., 41. - Cicéron ne parle pas de
cette conférence remarquable. On sent qu'il est un
peu honteux des moyens et des agents qu'il emploie.
|
|
(12) Sall.,
Cat., 41.
|
|
(13) Cic.,
in Pis., 21. Guerre sociale, p.19.
|
|
(14) Cic.,
Cat., III, 2. - Sall.,
Cat., 44.
|
|
(15) Sall.,
Cat., 45. - Cic.,
Cat., III, 2.
|
|
(16) Quum
jam dilucesceret (Cic.,
Cat., III, 3).
|
|
(17) Ce
message adressé aux conjurés a de quoi
surprendre. Il eût été plus sûr
de les faire arrêter chez eux ; et, en effet, trois
des plus compromis prirent la fuite, justement
effrayés d'étre mandés chez le
consul à pareille heure. Faut-il croire que
Cicéron voulut donner à quelques-uns des
conjurés, et peut-être à tous, le
moyen de se déober au sort qui les attendait ?
Alors, son projet aurait manqué par leur
incroyable confiance. D'un autre côté, il ne
serait pas impossible qu'il existât à Rome
une loi qui rendît inviolable la demeure d'un
citoyen.
|
|
(18)
Sall.,
Cat., 46, 47.
|
|
(19)
Cic.,
Cat., III, 6. - Cicéron les nomme
comme complices de Lentulus. On verra qu'ils
étaient contumaces.
|
|
(20) Plut.,
Cic., 19.
|
|
(21) Plut.,
Cic., 18. - Cfr. Cic.,
Cat., III, 3.
|
|
(22) Cic.,
Cat., III. - Sall.,
Cat., 46.
|
|
(23) Plut.,
C. Grac., 17.
|
|
(24) Sall.,
Cat., 46.
|
|
(25) Cic.,
Pro Sul., l4. - Plut., An. sen. sit. ger.,
27, - Orelli, Onomastic. Tull., p. 422.
|
|
(26) Cic.,
Pro Sull., 15. - Quid deinde ? quid feci ? Quum
scirem, ita indicium in tabulas publicas relatum, ut
illae tabulae privata tamen custodia, more majorum
continerentur : non occultavi, non continui domi, sed
describi ab omnibus statim librariis, dividi passim et
pervulgari, atque edi P. R. imperavi. Divisi toti
Italiae, emisi in omnes provincias.
|
|
(27) Cette
garantie d'impunité donnée au
délateur existe encore aujourd'hui dans la
législation anglaise.
|
|
(28) Sall.,
Cat., 47.
|
|
(29) Se
semper bonorum ferramentorum studiosum fuisse (Cic.
Cat., III, 5).
|
|
(30) Ut
item illi facerent quae sibi legati eorum recepissent
(Id., ibid.).
|
|
(31) Nos
linum incidimus (Id., ibid.).
|
|
(32) P.
Cornélius Lentulus, consul subrogé en 592,
et depuis prince du sénat. Partisan très
zélé de la faction aristocratique, il fut
blessé dans l'émeute où périt
C. Gracchus.
|
|
(33) Repente
praeter omnium opinionem confessus est (Cic.,
Cat., III, 5).
|
|
(34) Tamen
et signum et manum cognovit (Id., ibid.).
|
|
(35) L'écriture
cursive des anciens n'était pas
caractérisée comme la nôtre. Cela
tenait à la forme très précise de
leurs lettres majuscules, sans liaisons, et à la
nature des instruments dont ils se servaient pour les
tracer. Bien que lié depuis longtemps avec
Lentulus, Catilina aurait pu ne pas reconnaître sa
main. Le sceau d'un Romain était sa
véritable signature ; et l'on peut croire que, par
précaution, Lentulus n'avait pas employé,
pour écrire à un ennemi public, son sceau
officiel, qui était, comme on l'a vu, le portrait
de son grand-père.
|
|
(36) Ingenium
illud et dicendi exercitatio qua semper valuit...
impudentia qua superabat omnes (Cic.,
Cat., III, 5).
|
|
(37) Ad
extremum nihil ex iis que Galli insimulabant, negavit
(Cic.,
Cat., III, 5).
|
|
(38) Cic.,
Cat., III, 6. - Sall.,
Cat., 47.- Nous avons rapporté,
d'après Salluste, que Volturcius nomma en outre
Autronius, Ser. Sylla et Varguntéius.
Cicéron, probablement à dessein, ne les
cite pas dans son discours au peuple.
|
|
(39) La
mère de L. César était Fulvia, fille
de Fulvius, tribun du peuple et collègue de C.
Gracchus ; il mourut en 633 (voy. Guer. soc., p.
50. - Cic.,
Cat., IV, 6. - Schol. Gron., 413).
|
|
(40) Cic.,
Cat., III, 6.
|
|
(41) Quod
urbem incendiis, caede cives, Italiam bello liberassem
(Cic.,
Cat., III, 6).
|
|
(42) Et
quoniam nondum est prescriptum senatus consultum,
quid senatus censuerit exponant (Id., ibid.)
|
|
(43) Sall.,
Cat., 47.
|
|
(44) Nihil
vos moramur, patres conscripti (Jul. Capit., in M.
Ant., 10.
|
|
(45) J'ai
parlé dans mon avertissement des doutes
élevés par quelques philologues modernes
sur l'authenticité de la troisième et de la
quatrième Catilinaire. Les uns y trouvent
une latinité barbare, tandis que les autres n'y
voient que les négligences inévitables dans
une improvisation ; il y a des érudits même
qui soutiennent, par vives raisons, que ces locutions
prétendues barbares sont du meilleur style, et
employées par les auteurs les plus corrects. La
troisième Catilinaire peut être mal
écrite, mais elle est habilement pensée, et
il est bien difficile de n'y voir que l'oeuvre d'un
rhéteur. J'ai déjà fait observer
que, quel que soit l'auteur de ces harangues, il ne peut
être douteux qu'il n'ait eu à sa disposition
et qu'il n'ait mis à profit une foule de documents
d'un haut intérêt, dont nous sommes
privés aujourd'hui. Si nous n'avons les paroles
mêmes de Cicéron, nous avons du moins la
substance de ses discours, et, ce qui est encore plus
important, nous devons aux dernières
Catilinaires la connaissance de faits qui n'ont pu
être tirés que des mémoires relatifs
à son consulat, et des procès-verbaux qu'il
prit soin de faire rédiger, comme on l'a vu plus
haut.
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(46) Cic.,
Cat., III, 6.
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(47) Cic.,
Cat., III, 6.
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(48) Id.,
ibid.
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(49) P.
Lentuli somnium, nec L. Cassii adipem, nec C. Cethegi
furiosam temeritatem (Cic.,
Cat., III, 7).
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(50) Cic.,
Cat., III, 7.
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(51) Id.,
ibid., 9.
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(52) On
éloignait jusqu'aux animaux mâles :
«Illuc testiculi sibi conscius unde rugit
mus». (Juv., Sat , VI, 539).
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(53) Fabia,
soeur de Térentia.
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(54) Plut.,
Cic., 20.
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(55) Plut.,
Cic., 20.
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(56) Familiam
atque libertos suos, lectos et exercitatos in audaciam,
orabat, uti grege facto, cum telis ad sese irrumperent
(Sall.,
Cat., 50).
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(57) Id.,
ibid.
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(58) Sall.,
Cat., 49. - On doit noter le soin
particulier de César à se faire des
partisans dans la Cisalpine. Il n'est pas impossible que,
dès cette époque, il pensât à
s'attacher les Gaulois.
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(59) Neque
gratia, neque precibus, neque pretio Ciceronem impellere
quivere uti per Allobroges aut alium indicem C. Caesar
falso nominaretur (Sall.,
Cat., 49).
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(60) Res
autem opportune videbatur ; quod is privatim egregia
liberalitate, publice maximis muneribus grandem pecuniam
debebat (Sall.,
Cat., 49).
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(61) Plut.,
Cic., 19. - Plutarque paraît avoir
confondu les deux séances du sénat, du 3 et
de la veille des noues (Cfr. avec la troisième
Catilinaire, et Sall.,
Cat., 48).
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(62) Plut.,
Crass., 13. - Sall.,
Cat., 48.
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(63) Ipsum
Crassum ego postea praedicantem audivi, tantam illam
contumeliam sibi a Cicerone impositam (Sall.,
Cat., 48). - Crassus tenait en public un
langage fort différent ; car il déclarait
l'année suivante dans le sénat que, s'il
était encore sénateur, citoyen, homme
libre, s'il vivait, c'était à
Cicéron qu'il le devait (Cic., ad Att., I,
14, 4). - Si l'on admet le témoignage un peu
suspect de Cicéron, il est probable, au reste, que
Crassus ne donnait tous ces éloges à son
ennemi politique que pour rabaisser la gloire de
Pompée, qui, au retour de sa campagne d'Asie,
était en ce moment l'objet des flatteries les plus
immodérées.
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(64) Sall.,
Cat., 48.
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(65) Cic.,
Cat., IV, 3.
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