Histoire

Giovanni Battista Piranesi - Le Antichità romane, II, pl.35 (1756)

Un lieu de découverte controversé

La première mention du vase figure dans une lettre du Provençal Nicolas de Peiresc (1580-1637), qui pendant l'hiver 1600-1601 voit le chef d'oeuvre à Rome, au Palazzo Madama, dans les collections du cardinal Francesco del Monte (1549-1626). Mais aucune provenance n'est indiquée.

C'est seulement en 1697, dans Gli antichi sepolcri, que le peintre et graveur Pietro Santi Bartoli affirme explicitement que le vase a été trouvé dans le Monte del Grano, une grande tombe sévérienne fouillée en 1581 ou 1582 sur la route de Rome à Frascati par Fabrizio Lazzaro. Ce dernier y aurait trouvé un grand sarcophage de marbre, aujourd'hui au musée du Capitole, contenant le vase en question. Il s'agirait donc d'une urne cinéraire contenant les cendres de l'empereur Alexandre Sévère (222-235). Cette version a été acceptée sans discussion pendant les deux siècles suivants. C'est elle qu'illustrent les gravures de Piranèse et du frontispice du catalogue de 1786.

Frontispice du catalogue de gravures de lord Hamilton (1786)

Pourtant les Memorie di varie antichità, notes de Flaminio Vacca prises à l'époque de la découverte du sarcophage, ne mentionnent aucun vase de la sorte ; cela peut signifier ou bien que le vase ne s'y trouvait pas du tout, ou bien que Lazzaro l'aurait dissimulé dès le premier jour de la découverte, en raison de son immense valeur. Quoi qu'il en soit, si le vase a une relation avec Alexandre Sévère (IIIe siècle apr.JC), il s'agit forcément d'un réemploi, puisque sa datation le fait en général remonter à l'époque d'Auguste.

Le vase « Barberini »

En 1626, le vase est acquis pour 500 écus par le cardinal Francesco Barberini, neveu du pape Urbain VIII. Il devient l'une des principales attractions du « Grand Tour » que ne manque pas de faire en Italie toute l'élite européenne cultivée.

La collection Hamilton

Mais en 1780, Donna Cordelia Barberini-Colonna, princesse de Palestrina, doit s'en défaire pour payer ses dettes de jeu. Elle le vend à l'architecte écossais et amateur d'art James Byres, qui le revend en 1782 pour £1000 à Sir William Hamilton, plénipotentiaire à la cour des Deux Siciles à Naples de 1764 à 1800. Spécialiste des volcans et amateur d'art passionné, lord Hamilton a rassemblé une collection d'antiquités absolument considérable, mais qu'il revend peu à peu parce qu'il n'a pas les moyens de sa passion.

Le vase de Portland

Frontispice du catalogue de la vente de 1786

 

En 1783-1784, il ramène à Londres le précieux objet et parvient à le vendre à la duchesse douairière de Portland (1715-1785). Mais avant de s'en défaire, il fait composer par Cipriani et Bartolozzi un catalogue de gravures dont le frontispice a été reproduit ci-dessus.

C'est pendant les tractations de cette vente que John Flaxman adresse à Wedgwood une lettre pour lui signaler le vase, comme un extraordinaire modèle à tenter de reproduire. Après la mort de la duchesse un an plus tard, ses collections sont mises aux enchères entre le 24 avril et le 7 juin 1786. Le frontispice du catalogue de cette vente (ci-contre) réserve une place de choix au vase de Portland, dont un miroir permet d'admirer les deux faces. L'objet est acheté 980 guinées par le propre fils de la duchesse, le troisième duc de Portland, qui le prête immédiatement à Wedgwood pour un an ; il faudra pourtant trois ans au génial céramiste pour parvenir à reproduire le vase avec la plus grande perfection possible.

Catastrophes et restaurations au British Museum

Après sa restitution par Wedgwood à son propriétaire, le vase est abimé par la duchesse de Gordon qui en désolidarise le disque qui lui sert de base. En 1810, le quatrième duc de Portland prête donc l'objet au British Museum pour le mettre à l'abri d'autres accidents.

Pourtant le 7 février 1845, William Mulcahy, un jeune Irlandais pris de boisson depuis plusieurs jours, le brise dans sa vitrine en 189 morceaux ! Le restaurateur John Doubleday parvient à lui redonner forme en sept mois. Cette renaissance stimule alors les verriers, qui dans la deuxième moitié du XIXe siècle tentent de relever le défi et de retrouver les anciennes techniques du verre-camée. Philip Pargeter et John Northwood y parviennent entre 1873 et 1876.

En 1929, le sixième duc de Portland tente en vain de vendre le vase, qui cette fois ne parvient pas à atteindre le prix de réserve. Et en 1945, le British Museum l'achète pour £5000.

Une nouvelle restauration intervient en 1947, pour le débarrasser de la colle du siècle précédent et replacer les fragments qui n'avaient pas trouvé place en 1845. Une dernière restauration a par ailleurs été effectuée par Nigel Williams en 1988-1989.

© Agnès Vinas


Et sur la toile

PORTLAND, Margaret Harley Cavendish Bentick, Dower Duchess of William, Second Duke of Portland (1715-1785) - John LIGHTFOOT (1735-1788). Catalogue of the Portland Museum, lately the Property of the Duchess Dowager of Portland, deceased ; which will be sold by Auction. London : Skinner & Co., 24th April, 1786. - [Bound with:] A Marked Catalogue containing the Lots, what each respectively sold for, and the Names of the Purchasers... which constituted the Portland Museum. London : Printed for Kearsley, Walker, et al., 1786