[V. La Première Catilinaire]

Chapitre 4 Sommaire Chapitre 6

Pendant que Catilina s'armait dans l'ombre, le sénat, à peine délivré des inquiétudes que lui avait causées le procès de Rabirius, était menacé par le parti démocratique d'une nouvelle attaque non moins dangereuse. Un tribun du peuple venait de présenter une rogation à l'effet d'abolir le décret du dictateur qui excluait de toutes les charges publiques les fils des proscrits (1). Il n'y avait qu'une voix à Rome sur l'iniquité de ce décret, qui semblait imposer la tache des proscriptions à une génération qui les désavouait avec force. L'intérêt excité par les malheurs de ces familles qu'avait décimées le fer des bourreaux, la modération même de leurs demandes rendaient la résistance difficile, surtout dans un moment où l'opinion venait de se prononcer avec tant d'énergie contre le meurtre de Saturninus, beaucoup moins odieux cependant que les exécutions décrétées par Sylla. D'un autre côté, les conséquences de la réhabilitation demandée étaient incalculables. Après avoir recouvré leurs droits politiques, les fils des proscrits exigeraient bientôt sans doute qu'on leur rendît leurs biens confisqués. Qui pourrait prévoir les impérieuses réclamations de ces hommes aigris par de cruelles infortunes ? Longtemps persécutés, ils deviendraient peut-être persécuteurs à leur tour ; en un mot, adopter la rogation nouvelle c'était recommencer une révolution, c'était anéantir l'eeuvre du dictateur, cette constitution qui, précédée par des crimes, avait pourtant rendu à Rome l'ordre et la paix dont elle avait tant besoin.

L'histoire n'a point conservé le souvenir des débats auxquels le projet de loi donna lieu. On sait seulement qu'il fut appuyé par le consul Antonius (2), et que Cicéron le combattit avec force. Tout en déplorant les rigueurs de Sylla, tout en condamnant comme injuste le décret du dictateur, il soutint qu'il était dangereux et impolitique de l'abroger maintenant (3). Il assumait ainsi sur sa tête des inimitiés redoutables. La rogation fut rejetée, ou plus vraisemblablement même elle ne fut point portée devant le peuple, et l'intercession d'un tribun doit avoir été le moyen employé pour écarter cet épouvantail (4). On ignore également la part prise par César dans cette discussion, mais il est permis de penser qu'il s'intéressait médiocrement à la réussite du projet. Chef reconnu du parti populaire, et successeur de Marius, il ne voulait point sans doute partager cette brillante position avec les héritiers des familles persécutées par le dictateur. Son seul but n'était encore que de tenir le sénat continuellement en haleine, en lui suscitant chaque jour des ennemis nouveaux. Les succès mêmes de l'oligarchie semblaient l'épuiser, tandis que les défaites du parti populaire ne faisaient qu'irriter son audace et augmenter ses forces.

Au milieu de ces luttes incessantes, Cicéron se montra digne de la confiance que le sénat avait mise dans sa prudence et dans son habileté. Il devait à la fois s'opposer aux entreprises audacieuses du parti populaire, et surveiller les manoeuvres obscures de Catilina et de ses complices. Il avait encore à triompher de l'apathie ou de la mauvaise foi de son collègue Antonius, toujours prêt à l'abandonner pour faire cause commune avec les adversaires du sénat. Enfin, la politique de temporisation qu'il avait adoptée trouvait parmi ses amis mêmes des critiques opiniâtres, et ce n'était pas le moindre des obstacles qu'il eût à surmonter.

Il mettait toute son étude à séparer Catilina de César et de Crassus, car il sentait bien qu'il serait presque impossible au sénat de résister seul à une si puissante coalition. Heureusement le caractère et les intérêts si différents de ces trois chefs de parti lui fournissaient les moyens de s'opposer à l'alliance qu'il redoutait. Tandis que Crassus était retenu par le respect de son rang élevé et par son avarice, le neveu de Marius ne pouvait ouvertement se déclarer l'ami du meurtrier à gages de Sylla. La neutralité de ces deux hommes était déjà dangereuse, et cependant Cicéron ne pouvait espérer davantage dans une lutte qui menaçait l'oligarchie. Sa politique tendait donc à forcer Catilina de quitter le rôle de conspirateur pour se déclarer franchement rebelle. Tant qu'il demeurerait à Rome en relations secrètes avec les chefs des factions opposées au gouvernement, il pouvait y trouver un appui pour ses menées. Hors de la ville, à la tête d'une insurrection déclarée, il devait être infailliblement désavoué par des hommes qui n'étaient point dupes de ses desseins véritables, mais qui ne demandaient qu'à pouvoir les ignorer.

A l'approche des comices, le consul, pour contre-balancer les manoeuvres des conjurés et pour faire échouer l'élection de Catilina, résolut d'adopter, au nom du parti oligarchique, des candidats agréables au peuple et tels qu'ils ne pussent avoir à craindre l'opposition de Crassus ni celle de César. Trois concurrents se présentaient à cette élection en même temps que Catilina : D. Junius Silanus, L. Licinius Murena et Ser. Sulpicius (5), tous les trois exempts de ces passions violentes, communes aux différentes factions entre lesquelles se partageaient les citoyens, hommes d'affaires d'ailleurs, et de qui l'on ne devait point craindre de tentatives contre la constitution établie. Mais on savait que la brigue de Silanus serait favorisée par César, et cela par un motif fort étranger à la politique, et cependant d'un grand poids. Sa femme Servilia possédait alors uniquement le coeur de César, elle exerçait même sur lui la plus grande influence (6). Leur liaison n'était pas un mystère à Rome et datait de loin. D'un autre côté, Licinius Murena était intimement lié avec Crassus et avec Lucullus, les deux membres les plus actifs du parti aristocratique. En appuyant la brigue de ces deux candidats, le sénat donnait en apparence une satisfaction aux chefs des deux oppositions, mais en réalité ne compromettait nullement le système politique qu'il suivait depuis la mort du dictateur. On avait lieu de croire que, par égard pour Crassus, César soutiendrait Murena dans les comices, et Silanus, en retour, pouvait compter sur la protection de Crassus. De la sorte, Catilina se trouverait réduit à ses propres forces. Enfin le consul, prévoyant le cas où son ennemi parviendrait à l'emporter dans les comices, s'était réservé, à tout événement, un moyen de le combattre même après cette épreuve. A cet effet, il proposa et fit adopter une nouvelle loi contre la brigue, qui porta son nom, suivant l'usage romain. Bien que toutes les dispositions de cette loi ne nous soient pas connues, on en sait assez pour comprendre quelle en était la tendance. Non seulement elle augmentait la pénalité en vigueur contre le crime de brigue, depuis la loi Calpurnia (7), mais encore en interdisant aux candidats certains moyens d'influence tolérés jusqu'alors, elle pouvait avoir un effet rétroactif. C'est ainsi qu'aux termes de la loi Tullia (8), un candidat était exclu lorsqu'il avait donné au peuple un spectacle de gladiateurs deux années avant de se présenter aux comices. Si cette disposition singulière ne menaçait pas personnellement Catilina, il est probable que Cicéron n'en avait pas oublié d'autres qui pouvaient lui fournir les moyens de faire casser l'élection d'un homme trop téméraire pour ne pas donner prise sur lui.

Bien que favorisées par Cicéron et par la majorité du sénat, la candidature de Silanus, et surtout celle de Murena, trouvèrent une vive opposition chez quelques membres du parti oligarchique qui se faisaient illusion sur l'étendue de leur pouvoir. Caton, entre autres, dont la farouche vertu n'avait jamais pu admettre de transactions avec des hommes qu'il détestait, Caton poursuivit avec la même violence la brigue de Licinius et celle de Catilina. Il est vrai que le premier, rapportant d'Asie des trésors d'origine suspecte, achetait ouvertement les suffrages au mépris de la nouvelle loi contre la corruption électorale. Sur les manoeuvres de Murena le sénat fermait les yeux, réservant toute son indignation contre celles qu'on imputait à Catilina. Un jour, vivement interpellé par Caton, et menacé même d'un procès, menace redoutable, car Caton était alors tribun du peuple désigné, Catilina, emporté par la colère, s'écria : «On veut porter le feu dans ma maison... qu'on y prenne garde ! je ne l'éteindrai pas avec de l'eau, je l'étoufferai sous des ruines (9) !» Tant d'audace consternait les vieux sénateurs ; les conjurés étaient pleins d'espérance ; le parti démocratique voyait avec un secret plaisir l'humiliation et l'anxiété de ses adversaires.

Les comices consulaires, retardés à dessein extraordinairement, étaient indiqués pour le 12 des kalendes de novembre. La veille, Cicéron rassembla le sénat et lui communiqua les rapports qui lui étaient adressés de différentes villes de l'Italie.

On lui annonçait que, le 5 des kalendes de novembre, une prise d'armes devait avoir lieu en Etrurie ; le lendemain une émeute éclaterait dans Rome ; la vie des consuls (10) était menacée. La flotte en station à l'embouchure du Tibre était sollicitée à la révolte, et L. Gellius, le légat qui la commandait, venait de découvrir une conspiration organisée parmi ses équipages (11). Ailleurs on signalait des conciliabules suspects, ou des mouvements inquiétants parmi les esclaves. Ici des tentatives pour embaucher des gladiateurs avaient excité les alarmes des magistrats ; là des amas d'armes de guerre, formés mystérieusement, venaient d'être découverts et saisis. Toutes ces menées, tous ces préparatifs effrayants, les projets de rébellion et de guerre civile qu'ils indiquaient trop clairement, le consul les attribuait à Catilina, il en faisait le texte d'une accusation formelle. Puis il rapportait un passage d'un discours adressé par Catilina à ses partisans, discours presque public, comme il semble, et qui pouvait faire connaître quels étaient ses desseins en demandant le consulat, et quels suffrages il espérait obtenir. «Les malheureux, aurait-il dit, ne trouveront un défenseur fidèle qu'en choisissant un homme malheureux lui-même. Les pauvres et les opprimés ne doivent accorder aucune confiance aux promesses des riches et des puissants. Que ceux qui veulent recouvrer ce qu'ils ont perdu, reprendre ce qu'on leur a volé, que ceux-là considèrent mes dettes, ma position, mon désespoir. Aux opprimés et aux malheureux, qu'on ne l'oublie pas, il faut un chef hardi, et le plus malheureux de tous (12)

Le consul n'avait pas besoin de commenter un langage si menaçant pour exciter l'épouvante dans une assemblée telle que le sénat. Après ces terribles révélations, on devait s'attendre à ce qu'il demandât des pouvoirs extraordinaires ; cependant il se bornait à conclure à ce que le sénat, usant de son droit, ajournât les comices, et délibérât sur la situation des affaires.

Aussitôt Catilina, se levant avec emportement, s'abandonna aux récriminations les plus violentes contre un gouvernement qui, disait-il, opprimait tout le peuple. «La tyrannie de quelques hommes, s'écria-t-il, leur avarice, leur inhumanité, voilà les véritables causes du malaise qui tourmente la république». Puis après avoir nié d'un air de mépris les projets de révolte qui lui étaient imputés et s'être répandu en invectives contre le consul, il termina par cette figure menaçante : «Il y a deux corps dans la république, l'un débile avec une tête caduque ; l'autre fort, mais sans tête. Eh bien, tant que je vivrai, il aura une tête (13) !» Il sortit à ces mots, laissant le sénat encore plus effrayé qu'indigné, car cet appel aux pauvres et aux malheureux, toujours redoutable aux riches, l'était surtout à cette époque, où un fort petit nombre d'hommes opulents s'abandonnaient à un luxe scandaleux en présence d'une multitude immense de prolétaires affamés.

On avait délibéré cependant, et sur la proposition de Cicéron, les comices furent encore ajournés. On fit plus, on rendit un sénatus-consulte qui attribuait les pouvoirs les plus étendus (14) aux consuls et à tous les magistrats en fonctions à Rome, et qui les chargeait, comme dans les calamités pressantes, de veiller au salut de la république. Ce décret, renouvelé de celui qui avait foudroyé C. Gracchus, était une arme terrible, mais il fallait avoir la hardiesse de s'en servir. Les temps étaient changés ; dans l'état où se trouvait Rome alors, Cicéron, mal secondé et peut-être trahi par son collègue, témoin de l'effroi du sénat, incertain sur les dispositions du peuple, n'osait assumer la responsabilité gn'Opimius n'avait pas craint d'encourir autrefois. Il se borna donc à pourvoir à sa sûreté personnelle et à maintenir la tranquillité dans la ville par un déploiement inusité de forces militaires.

La publication du sénatus-consulte excita au plus haut point l'anxiété publique, sans abattre en rien l'audace des conjurés, car ils ne pouvaient se méprendre sur les motifs qui retenaient le consul dans l'inaction. Chaque jour apportait de nouvelles alarmes. Tantôt on répandait le bruit que les colonies militaires étaient insurgées, et que les Gaulois cisalpins se soulevaient ; tantôt on annonçait l'existence de vastes magasins d'armes et de matières incendiaires secrètement formés dans Rome même. L'incendie, le pillage, la révolte des esclaves, tels étaient les malheurs dont on se croyait menacé et qui pouvaient éclater d'un instant à l'autre. Il entrait dans les plans de Cicéron de ne pas démentir ces rumeurs effrayantes, peut-être même chercha-t-il à les accréditer, car les craintes de tous ceux qui avaient quelque chose à perdre faisaient sa principale force. Mieux que personne d'ailleurs, il était instruit des projets des conjurés. Dès avant son consulat, il avait organisé un système d'espionnage qui entourait jusqu'aux chefs du complot. Un certain Q. Curius, joueur effréné (15), jadis questeur, depuis chassé du sénat par les censeurs pour le scandale de sa conduite, avait été une des premières recrues de Catilina. Cet homme avait pour maîtresse une femme d'une famille illustre, nommée Fulvia. Traité avec froideur par elle lorsque la pauvreté, suite de sa disgrâce, l'obligea de se montrer moins généreux, il avait presque cessé ses relations avec Fulvia, lorsque tout à coup elle le vit reparaître plein d'arrogance et de hauteur. Il parlait de la fortune brillante qui allait être son partage, lui faisait les plus magnifiques promesses ; ou bien, changeant tout à coup de langage, il la menaçait de la tuer s'il venait à douter d'elle (16). Curius avait toujours été d'une légèreté telle, qu'il n'avait jamais su rien taire, même ses turpitudes (17). Surprise de ses bravades, Fulvia voulut en connaître le motif, et n'eut pas de peine à le savoir ; puis, une fois maîtresse de son secret, elle songea à en tirer parti pour elle-même. D'abord, sans nommer Curius, elle fit quelques confidences qui la mirent bientôt en rapport avec Cicéron. Mais celui-ci ne se contenta point de vagues discours, il l'obligea de lui faire connaître son auteur. Curius avait l'âme trop basse pour ne pas comprendre que le rôle d'espion lui convenait mieux que celui de conspirateur (18). Il l'accepta dès lors sans hésiter, et par l'ordre du consul continua de montrer à Catilina un dévouement dont celui-ci fut complètement la dupe. Admis à tous ses conciliabules, instruit de toutes ses résolutions, il rapportait jour par jour à Cicéron tout ce dont il avait été témoin. Grâce au mystère dont ces communications étaient entourées, les conjurés ne pouvaient former un projet qui ne fût déjoué d'avance. Mais si la trahison de Curius suffisait pour rassurer Cicéron contre le danger d'une surprise, le caractère de son agent lui rendait difficile de convaincre publiquement Catilina. Les révélations d'un misérable honni dans Rome, le témoignage d'une courtisane eussent été rejetés avec indignation par une grande partie du sénat. César et Crassus auraient soulevé toutes les susceptibilités patriciennes contre le consul qui sacrifiait à de tels accusateurs un des membres de leur ordre. Le consul avait besoin de preuves positives, incontestables, pour démontrer la vérité à tant de gens intéressés à ne la point voir.

Les comices n'avaient pu être retardés que de quelques jours. Il fallut enfin en venir à cette épreuve décisive. D'un côté, l'on vit paraître sur le Forum Catilina suivi d'Autronius, de Lentulus et des principaux conjurés, parmi lesquels, outre ses affidés de Rome, on remarquait beaucoup de soldats licenciés. Conduits par de vieux centurions, ils arrivaient en troupes des colonies où le dictateur les avait établis, et marchaient en ordre vers l'enceinte où se donnaient les suffrages, comme s'ils allaient à un exercice militaire. Des gladiateurs, et une foule de gens sans aveu, grossissaient ce cortège ; beaucoup portaient de courtes épées ou des poignards qu'ils ne prenaient pas la peine de cacher (19). Sur leur passage, la populace échauffée par l'espoir d'un grand désordre, où elle avait tout à gagner, accueillait par ses acclamations le candidat ennemi des riches, et semblait lui demander déjà le pillage pour prix de ses votes. D'un autre côté, tous les citoyens qui possédaient quelque fortune, inquiets de ces démonstrations menaçantes, se serraient autour de Silanus et de Murena, qu'escortaient un gros de sénateurs et de clients. Au milieu de la place, Cicéron s'avançait pour présider les comices, entouré d'une troupe nombreuse de jeunes chevaliers qui, défiant du regard la multitude, semblaient disposés à provoquer plutôt qu'à éviter une collision.

Le consul prit place avec calme sur son tribunal élevé, mais il affectait de laisser voir sous sa toge une brillante cuirasse (2O), pour montrer qu'il s'attendait à des violences, et qu'il était en mesure de les réprimer ; en effet, quelques temples voisins du Champ de Mars étaient occupés par des soldats, et des corps de garde observaient les quartiers suspects. De part et d'autre, tout semblait se préparer pour un combat.

Il n'eut point lieu cependant ; Catilina s'était cru sûr du succès, les conjurés, persuadés qu'une démonstration suffirait pour réussir au Forum, n'avaient peut-être pas d'ordre pour commencer l'attaque. D'ailleurs, ils étaient la plupart intimidés par les préparatifs militaires du consul et par l'attitude des chevaliers et des jeunes sénateurs, qui formaient autour de lui comme un rempart. Enfin le résultat du scrutin les frappa de stupeur ; Silanus et Murena obtinrent la majorité des suffrages, et Catilina sentit qu'il ne pouvait rien oser avant d'avoir rassuré ses complices.

La victoire due à la prudence de Cicéron faillit être troublée par l'indiscipline de quelques-uns de ses amis. On a déjà vu que Murena, ami de Lucullus et de Crassus, était particulièrement odieux à une partie de leurs collègues, qui désapprouyaient hautement toute transaction avec les factions contraires au gouvernement. D'ailleurs, Murena, moins aimé du peuple que Silanus, avait répandu l'or dans les tribus avec plus d'efficacité que de prudence, et si la corruption électorale était alors le plus sûr moyen de parvenir aux honneurs, la maladresse à s'en servir était sévèrement punie par les lois. Sulpicius, candidat malheureux comme Catilina, mais fort de sa réputation de probité, ne put se résigner à laisser Murena jouir tranquillement de son triomphe. Il protesta, et sur-le-champ lui intenta un procès pour brigue, soutenu par Caton, dont l'austère vertu donnait une force nouvelle à une accusation déjà trop bien fondée. Cette division parmi ses adversaires releva l'espoir de Catilina, et fit craindre à Cicéron de perdre au dernier moment tout le fruit de sa politique. En effet, Sulpicius pouvait bien parvenir à faire annuler l'élection de son compétiteur, mais il n'avait pour lui-même aucune chance de succès dans les comices. Les hommes qui avaient donné leurs suffrages à Murena, libres maintenant, les auraient peut-être reportés sur Catilina, et de la sorte, l'alliance entre les conjurés et le parti populaire se renouait en dépit de tous les efforts que faisait Cicéron depuis si longtemps pour la rompre.

Dans cette situation, après avoir épuisé tous les moyens de conciliation que sa prudence pouvait lui suggérer, il se déclara hautement le protecteur de Murena, annonçant qu'il allait déposer la pourpre consulaire pour prendre, comme avocat, sa défense devant le tribunal. Hortensius, l'orateur le plus célèbre après lui, s'offrit pour le seconder, comme il l'avait déjà fait dans le procès de Rabirius (21) ; enfin Crassus, oubliant ses ressentiments contre le consul, en présence du danger que courait un homme qu'on regardait comme son client, se joignit aux deux illustres avocats. La brigue, la richesse, l'éloquence, se réunissaient donc en faveur de l'accusé.

Catilina, de son côté, parut ne pas vouloir attendre pour éclater l'issue d'un procès où son heureux compétiteur se présentait avec tant d'avantages. Aussitôt après les comices il congédia précipitamment les colons militaires, qu'il avait mandés à Rome. Quelques-uns des conjurés se rendirent en même temps dans les provinces qu'ils croyaient disposées à l'insurrection. Septintius partit pour le Picénum ; C. Julius, pour l'Apulie ; quelques-uns furent envoyés dans la Gaule cisalpine ; d'autres, à Capoue et dans le sud de l'Italie (22).

On ne tarda pas à connaître de quelles instructions ils étaient porteurs. Peu de jours après l'élection des consuls, un sénateur, L. Sénius, apporta dans la curie une lettre de Faesulae, annonçant que le 5 des kalendes de novembre, Mallius avait réuni une grosse troupe de soldats colonisés et de paysans étrusques, et qu'il campait militairement devant cette ville. Toutefois dans ce rassemblement le nom de Catilina n'avait point été prononcé ; on ignorait encore les intentions de Mallius ; nul cri, nul drapeau qui fissent connaître le motif de cette levée de boucliers (23). Ces nouvelles, trop véritables, étaient accompagnées d'autres rapports qui, bien qu'exagérés par la crainte, n'étaient pas moins alarmants. C'était maintenant dans toute l'Italie qu'avaient lieu des conciliabules suspects ; partout l'attitude des gladiateurs et des esclaves devenait menaçante ; on craignait une surprise contre Capoue. Enfin de nouveaux prodiges et des phénomènes célestes étaient rapportés par plusieurs magistrats, et l'on sait que pour les Romains ces signes du courroux des dieux étaient presque aussi effrayants que des dangers réels (24).

Le gouvernement n'avait point d'armée. Les levées que les consuls avaient été autorisés par sénatus-consulte à faire dans la capitale même, étaient nécessaires à sa sûreté. Par fortune, deux proconsuls, Q. Marcius Rex et Q. Métellus, étaient aux portes de Rome, avec des détachements des armées qu'ils avaient commandées, attendant la décision du sénat, auquel ils demandaient les honneurs du triomphe (25). Aussitôt l'ordre fut donné à Marcius de courir en Etrurie ; à Métellus de diriger ses cohortes à marches forcées sur l'Apulie. Le préteur Q. Pompéius Rufus partit précipitamment pour Capoue, avec mission d'éloigner de cette ville les gladiateurs qui s'y trouvaient réunis en grand nombre, et de les disséminer par petites troupes dans des municipes où ils ne pourraient donner d'inquiétudes. Enfin un autre préteur, Q. Métellus Celer, reçut la mission de contenir le Picénum et la Gaule cisalpine (26). Chacun de ces magistrats avait plein pouvoir pour lever des troupes et pour prendre toutes les mesures de défense que les événements lui suggéreraient. Rome était remplie de soldats ou plutôt de citoyens armés comme dans les premiers temps de la république, à la nouvelle d'un tumulte gaulois. Pour la première fois alors, le consul proclama l'existence d'une vaste conspiration, qui depuis plusieurs jours n'était plus un secret pour personne. Des récompenses considérables furent promises aux dénonciateurs : à un homme libre, deux cent mille sesterces ; à un esclave, cent mille et la liberté; enfin amnistie complète à qui dénoncerait ses complices (27). La terreur était à son comble. Plus de crédit, plus d'affaires. Une foule de femmes en pleurs assiégeaient les temples, chacun cachait son or et cherchait à s'assurer une retraite ; beaucoup de citoyens quittaient en hâte leurs demeures pour fuir une ville qui allait être livrée au carnage et à l'incendie (28).

Au milieu de tous ces préparatifs de guerre, en présence d'une révolte armée à quelques milles de Rome, le gouvernement, malgré les pouvoirs que lui avaient conférés le dernier sénatus-consulte, n'ordonnait aucune arrestation ; pas un seul des conjurés n'était inquiété, et cependant un grand nombre et surtout leur chef étaient déjà signalés par l'opinion publique.

Tandis que le consul semblait s'épuiser en vains efforts à la recherche d'un ennemi invisible, un jeune patricien nommé L. Aemilius Paullus (29), indigné de ménagements dont il ne comprenait pas la cause, et probablement sans vouloir prendre l'avis de Cicéron, accusa Catilina criminellement, de violences (30), aux termes de la lui Plotia, loi ancienne qui paraît avoir puni tout attentat contre la vie ou l'indépendance des magistrats, toute excitation à la révolte, en un mot, tout acte tendant à troubler la paix publique (31). Le seul fait de porter une arme dans les comices entraînait une peine capitale (32) ; et le citoyen accusé par la formule Plotia pouvait être soumis à une détention préalable, avant que le juge eût prononcé sur la réalité de l'imputation alléguée contre lui (33). Il est vrai que d'ordinaire cette détention était adoucie, du moins pour les sénateurs et les personnes d'un rang considérable : ce n'était point dans la prison publique qu'ils étaient renfermés, car elle ne recevait guère que des criminels avant leur exécution (34) ; ils étaient remis à la garde d'un citoyen désigné par les magistrats, qui devait répondre de leur présence au jour du jugement. Par une étrange association de mots, on appelait cette espèce de détention liberae custodiae, garde libre (35). Telle était celle qui pouvait s'appliquer à Catilina sous le poids de cette nouvelle accusation. Celui-ci, payant toujours d'audace, parut vouloir hâter plutôt que retarder son procès, et avant que les magistrats eussent vraisemblablement rien décidé encore au sujet de l'accusation de Paullus, il alla s'offrir lui-même à M. Lépidus pour être gardé dans sa maison. Soit crainte d'un piège, soit horreur pour la personne de Catilina, Lépidus refusa de l'admettre. Alors Catilina s'adressa à Cicéron lui-même, dont il reçut pareille réponse ; enfin au préteur Q. Métellus Celer (36) ; partout il fut éconduit, un seul sénateur, son allié, M. Métellus, consentit à encourir la responsabilité de sa garde ; mais ce changement de domicile et cette surveillance prétendue ne le gênèrent en rien, car il ne cessa point de communiquer avec ses complices aussi librement qu'auparavant (37).

De la maison de Métellus en effet il avait formé le plan d'un coup de main contre Préneste, ville fortifiée et position militaire des plus importantes, dont la possession avait été vivement disputée dans les dernières guerres civiles. On sait que le jeune Marius en avait fait sa place d'armes et qu'elle ne tomba entre les mains de Sylla qu'à la suite d'un long siège. Après l'extermination des habitants par ordre du dictateur, Préneste avait été repeuplée par des soldats de l'armée victorieuse, à qui, pour prix de leurs services, leur général partagea le territoire de cette malheureuse ville. Catilina se flattant qu'il lui serait facile de séduire ces hommes qui avaient été ses compagnons d'armes, avait fixé l'attaque aux kalendes de novembre. Mais Curius assistait au conseil des conjurés, et en avertit aussitôt le consul. La place fut mise en état de défense, et les conjurés après s'être présentés plutôt pour la reconnaître que pour l'attaquer sérieusement, se retirèrent à la hâte dès qu'ils se furent aperçus que la garnison se tenait sur ses gardes (38).

Il est étonnant qu'après avoir vu ses projets si souvent déjoués par la vigilance de Cicéron, Catilina n'ait pas compris qu'il était entouré d'espions, et qu'il ne soit pas parvenu à les découvrir, ou du moins à cacher ses plans sous un mystère impénétrable à tous ses complices subalternes. Soit qu'il se persuadât que surveillé comme il devait l'être, il lui fût impossible de mettre en défaut la prudence du consul, soit, comme il est plus probable, que son caractère lui fit préférer la force ouverte à la ruse, il résolut de quitter Rome et de se mettre à la tête des bandes que Mallius venait de réunir auprès de Faesulae. Cependant, avant de partir, il voulut rassembler encore une fois les conjurés, leur tracer leur plan de conduite, en un mot, leur laisser ses dernières instructions.

La nuit du 7 au 6 des ides de novembre, les conjurés se trouvèrent réunis en assez grand nombre dans la maison de M. Porcius Laecca. Catilina s'y rendit, soit à l'insu, soit du consentement de son hôte, et là, après avoir reproché amèrement à ses complices leur lâcheté, qui seule, disait-il, avait fait manquer le coup de main contre Préneste, il leur annonça sou départ prochain pour l'Etrurie, et distribua les rôles à ceux qui devaient rester à Rome. Sur les résolutions qui furent prises dans ce conciliabule, l'histoire n'a pour se guider que le témoignage de l'accusation, que l'on ne peut admettre sans une certaine défiance. Un massacre nocturne, l'incendie de plusieurs quartiers, tels sont les projets imputés aux conjurés, et qui, on doit le reconnaître, n'ont jamais été démentis. Lentulus devait, dit-on, remplacer Catilina, et diriger l'exécution de ses ordres. Céthégus et Gabinius étaient chargés d'assassiner une partie du sénat, de soulever la populace et de l'armer. Cassius, avec une bande d'incendiaires, devait mettre le feu dans plusieurs quartiers à la fois, afin d'augmenter le désordre, et de retenir par la crainte d'un danger personnel les citoyens qui voudraient se rallier autour de leurs magistrats (39). Tous ces crimes eussent été sans doute inutiles, si Catilina ne se fût trouvé à la tête d'une armée, assez près de Rome pour en recueillir les fruits. Il est probable que cette sanglante exécution fut plutôt discutée que résolue, et seulement comme une éventualité dont de pareils hommes pouvaient s'entretenir sans horreur.

Un autre projet aussi atroce, mais qui semble démentir le précédent, me paraît mieux avéré, et tout porte à croire qu'il fut réellement adopté dans cette assemblée de sicaires. Catilina se plaignit de la vigilance du consul qui plusieurs fois l'avait contraint d'abandonner les plans les mieux combinés. Cicéron, dit-il, était plus dangereux lui seul que tout le sénat ensemble, et il l'allait à tout prix se délivrer d'un homme qui leur avait déjà fait tant de mal, et qui pouvait leur en faire davantage. Aussitôt un chevalier nommé C. Cornélius s'offrit pour ce coup audacieux, et le sénateur L. Varguntéius, confiant dans sa force athlétique, sollicita l'honneur de le seconder. Parvenir jusqu'au consul leur semblait chose facile. Tous les deux, cachant des poignards sous leurs toges, devaient se présenter avant le jour à sa maison, comme pour l'entretenir d'affaires importantes ou pour lui faire des révélations. La situation de Rome paraissait justifier leur visite à une heure inaccoutumée, et les prétextes ne pouvaient manquer pour l'attirer à l'écart loin de ses esclaves et de ses clients (40). Là les deux scélérats l'auraient assassiné sans peine. Lui mort, Rome était à eux. Un tribun désigné, L. Calpurnius Bestia, se chargeait de soulever la populace (41) ; Catilina courait en Etrurie pour rentrer bientôt dans la ville à la tête d'une armée. Autronius, partant la nuit même, le précéderait au camp de Mallius et disposerait tout pour sa réception (42).

Rien que la nuit fût fort avancée lorsque l'assemblée se sépara, Curius eut le temps de faire prévenir le consul. En même temps quelques-uns des conjurés, touchés de remords, ou peut-être effrayés des dangers oit les entraînait leur chef, avaient adressé des avertissements mystérieux à plusieurs membres du sénat. Des lettres anonymes les engageaient à pourvoir à leur sûreté, annonçant une catastrophe terrible dont elles accusaient Catilina. Cicéron entendait les révélations que lui faisait Fulvia de la part de Curius, lorsque Crassus, M. Marcellus et Métellus Scipion se présentèrent chez lui fort troublés, et lui remirent des lettres qu'ils venaient de recevoir (43). Peu après, Cornélius et Varguntéius frappaient à sa porte, et demandaient à l'entretenir en secret. Mais déjà les portiers avaient reçu des ordres, la maison était gardée, et les deux assassins ne furent point admis malgré leur insistance (44). Dès ce moment le consul ne sortit plus qu'entouré d'un gros de chevaliers et de jeunes Réatins, ses clients, toujours bien armés.

Si l'annonce du départ de Catilina le comblait de joie, la démarche de Crassus, qu'il avait toujours soupçonné, lui prouvait que toute relation avait cessé entre les chefs de l'opposition et les conjurés. C'était le moment qu'il attendait depuis longtemps avec patience pour frapper un coup décisif.

Le 6 des ides de novembre, il convoqua le sénat dans le temple de Jupiter Stator sur le mont Palatin. Une troupe nombreuse de chevaliers en armes entourait la curie, et dans toute la ville on remarquait un appareil militaire déployé avec plus d'ostentation encore que les jours précédents. Catilina, que Cicéron croyait peut-être déjà sur la route d'Etrurie, parut tout à coup dans le temple. Son sang-froid ordinaire ne l'avait pas abandonné, et il se flattait qu'il pourrait toujours en imposer à force d'impudence, et retrouver l'occasion que ses émissaires venaient de manquer. Il traversa la foule des sénateurs sans qu'un seul répondît à son salut. Arrivé au rang de sièges où il avait droit de prendre place avec les magistrats, qui avaient exercé comme lui des charges curules, un mouvement d'horreur éclata dans l'assemblée. Plusieurs consulaires s'écartèrent précipitamment, comme s'ils eussent craint d'être souillés par le contact de sa toge (45). Ses complices mêmes, intimidés, n'osaient s'approcher de lui, et pendant quelque temps il se trouva isolé au milieu des sièges vides, comme un criminel devant ses juges. Troublé par cette réception, inquiet des préparatifs extraordinaires qu'il avait remarqués, il attendait dans un sombre silence le dénoûment de celte scène, qu'il avait tant de raison de redouter.

Je n'entreprendrai point de rapporter ici le discours de Cicéron, car je ne veux point affaiblir par une traduction la sublime éloquence de la première Catilinaire. Je me bornerai à en résumer les points principaux, puis j'essayerai de rechercher le but du consul et d'expliquer ses intentions et sa conduite dans cette mémorable circonstance. Contre l'usage, ce ne fut point à l'assemblée qu'il s'adressa. Il interpella Catilina lui-même, et porta la parole, non point comme le président d'une compagnie admonestant l'un de ses membres, mais comme un juge qui lit une sentence à un coupable convaincu.

«Tes projets, dit-il, me sont connus. Toutes tes démarches, je les surveille depuis longtemps. Ne vois-tu pas que tu ne peux rien tenter dont je ne sois aussitôt instruit ? J'ai su, j'ai annoncé d'avance le soulèvement de Mallius, je viens de déjouer la surprise que tu as essayée contre Préneste. Je te dirai ce que tu as fait la nuit dernière. Tu es allé chez Porcins Laecca, tu as distribué les rôles à tes complices. A ceux-ci l'insurrection de telles provinces de l'Italie ; à ceux-là l'incendie de tels quartiers de Rome. Tu leur as annoncé ton départ pour le camp de Mallius. Tu as chargé deux chevaliers romains de m'assassiner. Ose le nier ? je te convaincrai, car tu es entouré d'yeux et d'oreilles que tu ne soupçonnes pas, mais à qui rien n'échappe (46).

Je pourrais, je devrais peut-être faire justice à l'instant, ici même, d'un scélérat tel que toi. J'en ai le droit, j'en ai le pouvoir. Si je faisais un signe, ces braves chevaliers qui entourent la curie te mettraient en pièces. Naguère , un sénatus-consulte déclarant la patrie en danger, le consul L. Opimius n'attendit pas la nuit pour faire mettre à mort, sur quelque soupon de sédition (47), Fulvius, personnage consulaire, et C. Gracchus, que ne purent protéger ni la gloire, ni les services de ses ancêtres. Armé d'un senatus-cousulte semblable, Marius fit tomber aussitôt la tête de Saturninus et celle de Glaucia. Et nous, il y a vingt jours que nous laissons le glaive des lois se rouiller inutile, car il y a vingt jours que les Pères m'ont remis un sénatus-consulte comme une épée dans son fourreau (48)».

Puis, comme Catilina, après quelques efforts pour l'interrompre et pour se justifier, s'écriait qu'il en référât au sénat, et qu'il était prêt à se soumettre au jugement que cette comgagnie prononcerait sur sa conduite, le consul comprit aussitôt que tout était perdu, si l'on délibérait sur le sort de Catilina dans la curie ; car alors, outre la difficulté de produire des témoins dont il rougissait lui-même d'avoir à se servir, il craignait que le parti populaire ne se soulevât tout entier, si le sénat s'arrogeait le pouvoir de prononcer dans une accusation capitale contre un citoyen (49) ; c'eût été l'occasion d'un débat animé dans lequel l'importance de la question générale aurait bientôt fait oublier la position de Catilina. «Non ! reprit le consul, je n'en référerai pas au sénat. Ce serait abjurer mes principes (50)». Après cette précaution pour désarmer la susceptibilité des meneurs du parti démocratique, il poursuit : «Tu vois les sentiments de cette compagnie. L'horreur que tu lui inspires ne t'en dit-elle pas assez ? Crois-moi, quitte Rome, où tu n'as plus d'espoir. Deux partis te restent. Va-t'en au camp de Mallius où tu es attendu. Là tu trouveras bientôt une mort digne d'un brigand. Ou bien, si tu veux vivre, choisis une retraite éloignée et tâche qu'ou t'oublie. J'accepte volontiers la responsabilité du conseil que je te donne, dussent mes ennemis m'accuser un jour d'avoir abusé contre toi de l'autorité consulaire. Je défie la calomnie, et quoi qu'il arrive, je croirai avoir bien mérité de la patrie en la délivrant d'un monstre tel que toi.

Vous me demanderez, Pères conscrits, pourquoi je permets à Catilina de se mettre à la tête de bandes armées contre la république, et d'exciter une guerre en Italie, au lieu de sévir contre lui, comme les lois et vos décrets m'y autorisent. Mais le supplice du seul Catilina ne suffirait pas pour délivrer Rome de cette peste déjà invétérée qui la consume (51). Laissez se grossir cette bande de malfaiteurs ; quand ils seront tous réunis, d'un seul coup nous écraserons tous les ennemis de l'Etat. D'ailleurs, je le sais ; il y a dans cette enceinte des hommes qui se refusent à l'évidence, dont la faiblesse a longtemps encouragé l'audace de Catilina, dont l'incrédulité volontaire lui a permis de tout oser. Si j'étais juste, ils m'accuseraient de cruauté, ils diraient que je fais le roi (52). Je veux les convaincre, et les placer entre deux camps, celui de la république et celui des rebelles».

A peine le consul s'était-il rassis dans sa chaire curule, que Catilina, hors de lui, balbutia d'une voix entrecoupée quelques mots de justification. Puis prenant un ton de suppliant, il conjura les sénateurs de se souvenir de sa naissance et des services que ses ancêtres avaient rendus à la république. Bientôt, il changea de langage ; retrouvant par degré son audace ordinaire, il se répandit eu sarcasmes grossiers contre Cicéron. «Qui le croirait, s'écria-t-il, on accuse un Sergius de méditer la perte de la république ! on prend pour son sauveur un Sabin, un étranger, locataire d'une maison à Rome (53)». Interrompu aussitôt par les murmures et les cris furieux d'un grand nombre de sénateurs, et ne voyant autour de lui personne qui prît sa défense, il sortit de la curie la menace à la bouche, et dès la nuit suivante il quitta Rome. L'assemblée se sépara presque immédiatement sans avoir délibéré, toute la séance n'ayant été qu'une sorte de duel entre le consul et Catilina.

Le discours de Cicéron peut surprendre d'abord par l'apparente naïveté de sa franchise. En effet, il veut chasser Catilina de Rome, il veut qu'il y ait un mur entre eux (54), et son dessein, il l'annonce sans détours à son ennemi. N'était-ce pas l'obliger à se mettre sur ses gardes, que de lui montrer le précipice avant de l'y pousser ? Mais il faut remarquer aussi que, bien instruit par ses espions, le consul connaissait d'avance la résolution de Catilina, annoncée déjà par Autronius aux insurgés d'Etrurie. Le temps des Servilius Ahala et des Opimius était passé. Déclarer Catilina hors la loi par un sénatus-consulte, le poignarder publiquement, c'eût été peut-être alors une entreprise au-dessus des forces d'un gouvernement mieux affermi que n'était le sénat. Cicéron sentait que les choses en étaient venues au point qu'il ne lui était plus possible de se taire. Il fallait éclater. Juger Catilina était difficile, le condamner paraissait impossible dans l'état des esprits. Il fallait donc l'effrayer et précipiter son départ. La fuite du chef, on devait s'y attendre, aurait entraîné celle des hommes qu'il avait séduits. Voilà pourquoi Cicéron dévoile au sénat les projets des conjurés, avec une précision de détails accompagnée cependant de réticences calculées. Il montre à son ennemi qu'il est maître de son secret, mais le laisse dans l'ignorance des preuves qu'il peut alléguer contre lui. C'est à l'imagination de Catilina qu'il s'adresse pour exagérer le péril réel dont il vient de l'entourer. Il lui montre l'arme terrible du sénatus-consulte qui peut à chaque instant sortir du fourreau ; il excite contre lui ces jeunes chevaliers en armes autour de la curie et prêts à frapper l'ennemi public, comme leurs ancêtres avaient immolé tant de victimes désignées à leurs glaives. Catilina naguère menaçait le sénat d'une émeute ; c'est à lui même de trembler maintenant. Voici qu'une foule irritée se soulève contre lui. Ce n'est point une multitude de prolétaires timides accoutumés à fuir devant la verge d'un licteur. C'est une troupe de jeunes patriciens, braves, orgueilleux, habitués aux armes ; ils sont aussi impitoyables, aussi féroces que les hôtes de Porcius Laecca et ils sont plus redoutables, car ils ont de plus la confiance que donne la richesse, la force et le bon droit. Certes, quelle que fût la fermeté d'âme de Catilina, il devait être ébranlé à ce coup ; et ne fût-ce que pour assurer sa vengeance, il devait avoir hâte de se trouver à la tête de ses vétérans dans le camp de Faesulae.

Mais ce n'était pas seulement à Catilina que s'adressait l'allocution du consul. On a vu déjà que ce n'était pas l'ennemi le plus dangereux qu'il eût à redouter. Parmi ses auditeurs il savait qu'un grand nombre étudiaient chacune de ses paroles pour s'en faire une arme contre lui. Qu'importait à César, à Crassus, que Catilina fût accablé ? Mais ce qu'ils désiraient au fond de leur coeur, c'est que le consul abusât contre lui de son pouvoir. Alors ils avaient le champ libre pour prendre leur revanche, car une opposition ne peut choisir pour combattre de meilleur terrain que celui de la loi. Aussi, quelle adresse et quels ménagements dans le discours du consul ! A Catilina il rappelle la terrible justice , ou plutôt les assassinats commandés par sénatus-consulte à Servilius Ahala, à Scipion Nasica, à L. Opimius, mais aussitôt il se hâte de dire au parti démocratique : «Je n'imiterai point leur exemple ; je ne ferai pas le roi». - Catilina s'écrie : «Que le sénat délibère, qu'il me juge ! - Non, répond le consul, en regardant C. César, je n'imiterai point Marius, je serai fidèle à mes principes ; le sénat ne décidera pas de la vie d'un citoyen». Ce sénat, il le couvre pour ainsi dire de son corps. Il se dévoue pour attaquer seul son ennemi. Ce n'est point le sénat, ce n'est point le consul qui prononce l'exil contre le citoyen factieux, c'est Cicéron qui chasse Catilina de la curie. César, Crassus et les tribuns à leurs ordres étaient venus, déterminés peut-être à ne voir dans Catilina qu'une victime de la tyrannie oligarchique ; mais, lorsque au milieu de l'assemblée muette d'horreur, Cicéron annonçant des meurtres préparés, des incendies prêts à s'allumer, offrait de produire des preuves accablantes, que Catilina confondu ne trouvait que des injures à répondre, alors des hommes revêtus de hautes dignités, membres de la corporation la plus éminente, par respect pour eux-mêmes, devaient se prononcer énergiquement et désavouer toutes relations avec un misérable accusé de pareils crimes. Pas une voix ne s'éleva en faveur de l'accusé, et, vraie ou feinte, ce fut l'indignation générale qui le mit en fuite. La modération même du consul, sous laquelle il eut l'art de cacher sa faiblesse, imposait des ménagements semblables au parti démocratique. Cicéron ne demande pas la mort de celui qui a conspiré contre la république, il ne veut pas même son exil, car, il le dit hautement, il n'est point son juge ; il lui ordonne de s'éloigner, et pour l'y contraindre il n'a d'autre arme que sa parole éloquentè. Si Catilina ne se déclare point lui-même ennemi public, alors Cicéron assume sur sa tête la responsabilité d'une persécution dont ses adversaires pourront bientôt tirer une éclatante vengeance aussitôt qu'il aura déposé les faisceaux consulaires.

Une telle conduite était à la fois la plus courageuse et la plus habile : courageuse, car Cicéron, près de rentrer dans la vie privée, savait quelles accusations, quelles terribles représailles l'attendaient si la fuite de Catilina faisait avorter la conspiration ; habile, car il élevait une barrière entre les conjurés et le parti démocratique, dont l'appui tacite, ainsi que je l'ai dit plusieurs fois, faisait leur principale force.

Dès que le départ de Catilina fut connu, le premier soin de Cicéron fut d'exposer sa conduite au peuple, et d'en appeler en quelque sorte à son jugement. Il sentait la nécessité de l'intéresser à sa cause, et, consul, il n'hésita pas à se départir des habitudes de l'oligarchie romaine, qui toujours s'était appliquée à couvrir d'un voile épais le mystère de ses délibérations (55). Cette fois, au contraire, il court au Forum et se hâte de raconter ce qui vient de se passer dans la curie (56). Sa franchise paraît complète, seulement son style s'est modifié pour son auditoire. Les plaisanteries triviales y abondent, on sent qu'il veut plaire à la populace parce qu'il en a besoin. D'abord, affectant de mépriser les forces que les rebelles rassemblent en Etrurie, et les recrues que Catilina peut faire sur sa route, il s'efforce de rassurer les citoyens timides et d'exalter la grandeur des moyens dont le gouvernement dispose pour sa défense. Puis il examine la situation de la république, il fait la revue de tous les partis, et cherche quels hommes pourraient aujourd'hui s'associer encore à Catilina. «Sont-ce les grands propriétaires endettés ? se demande-t-il. - Mais avec lui ils ont plus à perdre qu'à gagner. Croient-ils que leurs biens, au milieu de la dévastation générale, demeureront sacrés pour ces bandits(57) ? - Les ambitieux ? (et c'est à ceux-là surtout qu'il s'adresse). Où serait leur espoir, si le gouvernement était renversé par une faction méprisable, guidée par un tel chef ? Croyez-vous que les honneurs, que les sacerdoces, les gouvernements que vous briguez aujourd'hui, vous seraient réservés, si, par impossible, Catilina l'emportait ? Non, il les donnerait à des misérables, à quelque gladiateur, à des esclaves fugitifs. Nous, au contraire, nous, les représentants de ce gouvernement contre lequel ou conspire, nous sommes prêts à partager le pouvoir avec tous les hommes habiles qui le demandent par les voies légales (58). - Restent les vétérans de Sylla... Les redoutez-vous ? Leur drapeau fait horreur à tout le monde (59)... - Puis, des assassins, des voleurs, de jeunes débauchés aussi ridicules qu'ils sont méprisables... Voilà les vrais soldats de Catilina, les recrues selon son coeur, et quel bonheur pour Rome d'être délivrée de cette vile engeance ! Il fera beau voir en campagne ces mignons si gracieux, aux cheveux si bien peignés, imberbes ou barbus (60), couverts, de toges... non, de voiles transparents ; ces héros si vigilants, que l'aurore les trouve toujours à souper. Pauvres enfants si jolis, si délicats, si bien instruits à danser, à jouer du luth, voir même du poignard, que vont-ils devenir par ces nuits si froides maintenant, dans la neige, au milieu des Apennins (61) ?» Après avoir pendant quelque temps donné cours à sa verve mordante en égayant son auditoire du Forum, l'orateur reprend un ton plus sérieux et s'occupe à rassurer ceux qui affiliés à la conjuration flotteraient encore incertains entre le repentir et la crainte du châtiment. A ceux-là, il offre l'entier oubli du passé. «Je ne veux pas les punir, s'écrie-t-il, je veux les guérir si je le puis. Tous mes efforts n'ont qu'un seul but, c'est que les scélérats eux-mêmes ne portent pas la peine de leurs méfaits (62)».

En présence d'un danger dont il essaye de dissimuler la grandeur, on s'aperçoit que le consul ne rejette aucun moyen de flatter la multitude, et qu'il recherche ces applaudissements qu'on lui prodiguait autrefois lorsqu'il était l'orateur du peuple. Le sénat n'est pas là pour l'écouter, et il lui échappe plus d'une expression mieux placée dans la bouche d'un tribun que dans celle d'un consul. «On nous parle d'un soulèvement des gladiateurs, dit-il, rassurez-vous ; nos gladiateurs sont plus honnêtes gens que bien des patriciens, ils resteront dans le devoir (63)».

Ailleurs il s'exprime ainsi : «Ces hommes des nouvelles colonies voudraient tirer des enfers le spectre de leur Sylla. Qu'on ne me parle plus de proscriptions, de dictature. Ce temps ne reviendra plus. Les hommes, les bêtes même ne souffriraient plus un dictateur (64)

Le consul reparaît à la fin de ce discours, qui nous a montré Cicéron sous un aspect nouveau : «S'il reste ici quelque complice de Catilina, dit-il en terminant, qu'il parte, qu'il aille rejoindre son chef. Il en est temps encore. Dans la ville, j'entends que l'on soit soumis aux lois. L'auteur de tout mouve ment, de tout dessein coupable, apprendrait bientôt qu'il y a dans Rome des consuls vigilants, des magistrats courageux, une prison inexorable (65)».


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(1)  On ignore le nom du tribun auteur de la rogation. - Plut., Cic., 12. - Cic., ad Att, II, 1, 2. - Cfr. Dionys. Hal., VIII, 80.

(2)  (Dio Cass., XXXVII, 25).

(3)  adolescentes bonos et fortes, meis inimicitiis, nulla senatus mala gratia, comitiorum ratione privavi (Cic., in Pis., 2).

(4)  Il ne faut pas prendre à la lettre, sans doute, la prosopopée de Pline : «Te orante, proscriptorum liberos honores petere puduit». (Plin., VII, 31.) - Le passage de Cicéron cité tout à l'heure, nulla senatus mala gratia, me parait donner beaucoup de vraisemblance à l'opinion que j'ai émise.

(5)  Cic., Pro Mur., passim.

(6)  Sed ante alias dilexit M. Bruti matrem, Serviliam (Suet., Jul., 50).

(7)  La loi Cornelia et Baebia, rendue l'an de Rome 573, sur la proposition des consuls P. Cornelius Cethegus et M. Baebius Tamphilus, excluait pour dix ans du droit de se présenter aux comices électoraux les candidats reconnus coupables de brigue. En 687, le consul C. Calpurnius Pison fit ajouter à cette pénalité une forte amende (Cfr. Schol. Bob., p. 361. - Ascon., in Cor., p. 75. - Dio Cass., XXXVI, 21).

(8)  Cum mea lex dilucide vetet : Biennio quo quis petat, petiturusve sit, gladiatores dare, nisi ex testamento, praestituta die (Cic., in Vat., 15, et Pro Sest., 64). - Nec ignoramus auctore ipso Cicerone et C. Antonio coss. legem severiorem de ambitu puniendo fuisse scriptam, cujus meminit pro Murena, nam clementior aliquatenus videbatur lex fuisse Calpurnia (Cfr. Schol. Bob., pro Plancio, p. 269. - Et Schol. Bob., pro Sest., 309 et 324). - La loi Tullia avait prévu le cas où l'accusé chercherait à se soustraire au jugement en feignant une maladie, ruse au moyen de laquelle il aurait pu parvenir à retarder le procès jusqu'au moment légal de son entrée en charge. «Morbi excusationi poena addita est». (Pro Mur., 23.) - Ce passage obscur, et mal interprété par quelques commentateurs, me semble expliqué de la manière la plus satisfaisante par Ferratius, cité par Orelli (0nomasticum Tull. Index legum, t. VIII, p. 287).

(9)  Cic., Pro Mur., 25. - Cfr. Sall., Cat., 31. - Salluste, évidemment à tort, rapporte ce mot à un autre moment, pour le rendre plus dramatique.(

(10)  Plut., Cic., 15. - Sall, Cat., 27, 28, 30. - On voit que Cicéron affecte ici de présenter les deux consuls comme également menacés, et, partant, comme intimement unis. De la part d'un homme qui, peu de mois auparavant, avait attaqué avec la plus grande violence la coalition d'Antonius et de Catilina, cette fiction officielle n'est pas seulement un ménagement politique, elle prouve encore, ce me semble, cette soumission aux faits légalement accomplis, ce respect pour les formes si caractéristiques chez les Romains. Pendant leur candidature, Cicéron et Antonius pouvaient se montrer ennemis déclarés ; devenus consuls l'un et l'autre, ils formaient ce que l'on appelle aujourd'hui le pouvoir exécutif, qui, officiellement du moins , devait être considéré comme animé d'une volonté unique.

(11)  Cfr. Cic., Post red. ad Quir., 7. - Il règne quelque incertitude sur la date précise qu'il faut donner à cette tentative pour insurger la flotte d'Etrurie. Quelques-uns ont pensé que L. Gellius, dont il s'agit ici, légat de Pompée dans la guerre contre les pirates (Flor., 3, 6), n'avait pu conserver son commandement jusqu'en 691, et, en conséquence, ils ont rapporté cette mutinerie avortée à la première conjuration de Catilina, en 689. En me fondant sur le passage de Cicéron cité plus haut, il me paraît plus probable de rapporter à la seconde conjuration ce projet de révolte que fit échouer la fermeté de L. Gellius. Il n'est d'ailleurs nullement invraisemblable qu'un des amiraux de Pompée, commandant une division de la flotte romaine en 689, fût encore à la mer en 691, deux ans après la destruction des pirates. La nécessité de veiller sans cesse sur les arrivages d'Egypte et de Sicile devait obliger le gouvernement à entretenir une forte station à l'embouchure du Tibre et sur les côtes d'Etrurie.

(12)  Cic., Pro Mur., 25.

(13)  Cic., Pro Mur., 25. - Dixit duo corpora esse reipublicae, unum debile infirmo capite, alterum firmum sine capite. - Manuce propose de lire : firmo capite. L'antithèse est mieux marquée de la sorte ; mais il me semble évident que, dans les idées de Catilina, la république était mal gouvernée. J'ai suivi la leçon ordinaire, qui contient une insulte adressée aux consuls, fort probable dans la situation (Cfr. Plut., Cic., 10).

(14)  Le pouvoir le plus important déféré aux consuls était celui de lever des soldats, et d'enrôler tous les hommes en état de porter les armes, à Rome et dans l'Italie.

(15)  Ascon., In tog. cand., p. 95. - Cic., ad Att., 1, 1, 2.

(16)  Sall., Cat., 23.

(17)  Neque suamet ipse scelera occultare, prorsus neque dicere neque facere quidquam pensi habebat (Sall., Cat., 23).

(18)  Sall., Cat., 23, 26.

(19)  Cic., Pro Mur., 24, 26.

(20)  Plut., Cic., 14.

(21)  Cic., Pro Mur., 4.

(22)  Sall., Cat., 27. - App., Civ., II, 2.

(23)  Sall., Cat., 30.

(24)  Id. Ibid.

(25)  Le sénat leur refusait le triomphe, parce qu'ayant été mis l'un et l'autre sous les ordres de Pompée, en vertu de la loi Manilia, ils avaient perdu le droit de prendre les auspices, et, par conséquent, n'étaient plus habiles à triompher. Marcius revenait de Cilicie, et Métellus de Crète. - Les généraux qui retournaient à Rome pour demander le triomphe amenaient avec eux des détachements de leur armée, pour accompagner leur char dans cette cérémonie (Cfr. Sall., Cat., 30. - Liv., Epit., 99, 100. - Plut., Pomp., 30. - Dio Cass., XXXVI, 25).

(26)  Sall. Cat., 30.

(27)  Id., ibid.

(28)  Cic., Cat., I, 3. - Remarquer le tour adroit qu'emploie Cicéron pour excuser les craintes de ces fugitifs : «Multi principes civitatis, Roma, non tam sui conservandi, quam tuorum consiliorum reprimendi causa, confugerunt».

(29)  Sall., Cat., 31. - Schol. Bob., in Vat., p. 320.

(30)  De vi.

(31)  Cfr. C. G. Waechter, Neus Archiv des Criminalrechts, t. XIII, p. 8 et suiv.

(32)  Cic., Cat., I, 6.

(33)  Cfr. Sall., Cat., 48. - Dio Cass., XXXVII, 32. - Cic., Cat., I, 8.

(34)  Hors, peut-être, le cas de flagrant délit. - Senties in hac urbe esse carcerem, quem vindicem nefariorum et manifestorum scelerum, majores nostri esse voluerunt (Cic., Cat., II, 12).

(35)  Vell., I, 11. - Sall., Cat., 48.

(36)  Cic., Cat., I, 8. - On voit que Métellus n'était pas encore parti pour le Picénum.

(37)  Cicéron appelle ironiquement M. Metellus virum optimum. - Dion Cassius ne l'accuse pas de complicité avec Catilina (XXXVII, 32).

(38)  Cic., Cat., I, 3.

(39)  Sall., Cat., 27. - Cic. Cat., I, 4. - Cat., II, 3. - Cat., III, 6, 10. - Cat., IV, 6. - App., Civ., II, 3. - Plut., Cic., 18.

(40)  Sall., Cat., 28, 47. - Cic., Cat., I, 4.

(41)  App., Civ., 11, 3.

(42)  Cic., Pro Sul., 19.

(43)  Plut., Crass., 13. - Cic., 15, 16.

(44)  Cic., Cat., I, 4.

(45)  Cic., Cat., I, 1. - Plut., Cic., 16.

(46)  Cic. Cat. I, 1.

(47)  Propter quasdam seditionum suspiciones (Cic., Cat., I, 2). - On voit avec quels ménagements Cicéron parle de cet événement. Il est évident qu'il cherche à flatter le parti démocratique. L. César, consulaire, parent de C. César et petit-fils de Fulvius, massacré avec C. Gracchus, était présent à la séance. - En rappelant que Marius, sur un ordre du sénat, avait fait mourir un tribun du peuple, le consul compromet adroitement C. César, son neveu, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans le procès de Rabirius.

(48)  Habemus enim hujusmodi senatusconsultum, verumtamen inclusum tabulis, tanquam gladium in vagina reconditum (Cic., Cat., I, 2).

(49)  Le procès de Rabirius, ainsi qu'on l'a vu, n'avait pas été intenté à d'autres fins que d'établir l'inviolabilité des citoyens, et d'enlever au sénat le pouvoir de rendre un décret de sa propre autorité et sans avoir consulté le peuple.

(50)  Non referam, id quod abhorret a meis moribus (Cic., Cat., 1, 8). - Cicéron était sans doute fort éloigné de croire alors qu'il aurait à soutenir quelques jours plus tard la thèse diamétralement opposée. Il est singulier qu'en publiant les Catilinaires il n'ait pas fait disparaitre cette phrase si remarquable et si compromettante ; et je serais porté à croire que, dans son improvisation, il en avait dit bien davantage sur l'incompétence du sénat en pareille circonstance.

(51)  Haec jam adulta reipublicae pestis (Cic., Cat., I, 12).

(52)  Crudeliter et regie factum ducerent (Id., ibid.).

(53)  Sall., Cat., 31. - Cicéron n'avait pas encore à Rome de maison à lui.

(54)  Cic., Cat., I, 5, 13.

(55)  Victor Leclerc, Des journaux chez les Romains, p. 208.

(56)  La seconde Catilinaire fut prononcée devant le peuple le 5 des Ides de novembre, le lendemain du premier discours.

(57)  Ergo in vastatione omnium tuas possessiones sacrosanctas futuras putas ? (Cic., Cat., II, 8.)

(58)  Non vident te cupere id, quod si adepti fuerint, fugitivo alicui, aut gladiatori concedi sit necesse (Cic., Cat., II, 9).

(59)  Cic., Cat., II, 9.

(60)  Manuce a donné la leçon de paene barbati : j'ai suivi celle d'Orelli, bene barbati, qui contraste avec le mot imberbes qui précède. Je suppose que la mode de la barbe avait été introduite a Rome par Catilina. Porter la barbe, c'était alors se donner un air militaire, c'était imiter les vétérans de Sylla.

(61)  Cic., Cat., II, 10.

(62)  Cic., Cat., II, 13. - Quod ego, sic administrabo, Quirites, ut si ullo modo fieri poterit, ne improbus quidem in hac orbe poenam sui sceleris sufferat.

(63)  Meliore animo sunt (gladiatores) quam pars patriciorum (Id., ibid., 12).

(64)  Desinant furere ac proscriptiones et dictaturas cogitare. Tantus enim illorum temporum dolor inustus est civitati, ut jam ista, non modo homines, sed ne pecudes quidem mihi passurae videantur (Cic. Cat., II, 9).

(65)  Id., ibid., 12.